Entrefins (Vienne)

Localisation :
Entrefins se trouve sur le territoire de la commune d’Adriers. Pour y parvenir d’Adriers, prendre la sortie N.-E. du bourg en direction de la N 147, Plaisance. L’ancienne celle se trouvait au bout du petit village d’Entrefins.
Intérêt :
Intérêt limité. Église (Nord) O.

Vestiges :
Le cadastre de 1833 donne le plan de l’église et de deux corps de bâtiment, dont il ne reste rien, sinon une levée de terre. Un oratoire a été construit vers le milieu du XIXème s. , sans doute avec des remplois de l’ancienne chapelle détruite quelques années avant . Lors d'une visite pastorale le 22 Avril 1845, le représentant de l'évêque écrivait : "à Entrefins, ruine d'une chapelle dédiée à St Etienne, pèlerinage encore très fréquenté, l'abside seule de la chapelle a été restaurée..! "
A l’intérieur de cet oratoire, se trouve de nombreux lapidaires aux décors assez riches semblant dater de la fin du XIIIème siècle , dont un chapiteau à crochet, à tailloir circulaire, ainsi qu'une clef de voûte portant insérée dans un des angles formés par l'intersection des nervures un petit masque. C'est un des très rares cas où les Grandmontains ont laissé une figure humaine s'introduire dans le décor d'une celle.
Un culte ancien à saint Etienne était rendu à Entrefins . Son intercession était invoquée dans la guérison des maux de tête. En mémoire de cette dévotion une statue de saint Etienne, a été mise dans l'oratoire par son propriétaire, sans doute lors de son édification. Mais une confusion avec le proto-martyr a été faite, comme à Breuil-Bellay.

Histoire :
Sa date de fondation se situe sans doute vers 1180. Elle est due à la générosité du chevalier Boson, premier du nom, Seigneur de l’Isle-Jourdain . Il avait également donné au correcteur les droits de haute, moyenne et basse justice .
Entrefins était bâtie aux confins du Poitou et de la Marche, d’où son nom : Inter fines : Entre les finages. La celle fut dédiée à Notre-Dame, et comme patron secondaire, Saint Etienne de Muret, car deux miracles eurent lieu à Entrefins lors des cérémonies de la canonisation . Le Chanoine Lecler nous rapporte le récit de l'un des deux :
“ Un honorable homme, nommé Girard, Limousin, revenant d’un voyage qu’il avait coutume de faire tous les ans à Grandmont, à Muret et à Plagne, trouva en arrivant chez lui son village tout en feu, et les maisons qui se consumaient à vue d’oeil. Il se prit à crier : “O mon Dieu ! que ferais-je ? je suis si las du chemin que je viens de parcourir que je ne saurais apporter aucun secours à ma maison qui s’en va brûler. Hélas! je suis perdu. Seigneur, ayez pitié de moi et souvenez-vous que je suis des dévots de saint Etienne et très affectionné à ses enfants que je viens de visiter. Par leurs mérites et par ceux de leur saint Père, ayez pitié de moi, et préserver ma maison du feu qui l’environne”. Il n’eut pas plus tôt fait cette prière que le feu s’éteignit au pied de sa maison, sans l’endommager, quoique celles de ses voisins fussent réduites en cendres. Il en vint faire le récit aux frères du couvent d’Entrefins, parmi lesquels cet homme prit l’habit, et vécut en saint religieux ”.
Sa communauté comprenait six religieux en 1295. Entrefins fut unie au Puy-Chevrier en 1317.
Entrefins fut pillée et brûlée par les Huguenots, et ses papiers disparurent ou furent brûlés . En 1660, le prieur obtint du roi Louis XIV un arrêt ordonnant à ceux qui détenaient des biens d’en fournir aveux et dénombrements. A cette époque la celle comprenait trois corps de logis, l’église, deux métairies, celle de la cour, et celle de la porte, des moulins, des jardins et vergers à Montmerle, Monterbean, chez Gerbault, Peubrail, Malassée, L'âge, La Bouige, La Garnauderie, Le Mas, Villemert, etc. . Il est possible que la communauté du Puy-Chevrier s’y soit transportée vers la fin du XVIème ou au début du XVIIème siècle , ce qui explique l’"existence" encore au début du XIXème siècle de la chapelle, et le titre d'abbaye qu'elle porte sur deux ou trois documents de cette époque , titre que Puy-Chevrier portait parfois.
Noms de quelques prieurs claustraux:
frère Pierre Lamotte, (1317);
fr. Pierre Quinquaut, (1360);
fr. Pierre Estourneau, (1480 - 1503);
puis de quelques prieurs commendataires :
Pierre Bonnin de Messignac, écuyer, sieur de Puy-Chevrier en 1466;
Pierre Estourneau (1503),
François de Marsange, écuyer, seigneur de Puy-Chevrier, en 1566;
Fr Jean Guimbaud, (1605), qui devint curé de Moussac en 1622 ;
Dom Léonard de la Béraudière, (1613), qui devint moine cistercien, puis Abbé de l’Abbaye du Pin en 1630, où il y est décédé en 1648;
Jean de la Fontaine économe, chargé de la gestion (1649);
Etienne Baudoin , conseiller du Roi au Parlement de Paris, fut nommé par le roi le 28 mars 1691, prieur titulaire de Puy-Chevrier et Entrefins, (1691 - 1699);
Pierre-Paul de Lourmandé, officier d'université de Poitiers, docteur en théologie , (1717 - 1725). Il était aussi Abbé Prémontré de Blanche-Lande en Normandie de 1723 à 1738 ;
Pierre-Paul Lorrain, (1725);
Joseph Junot, (1730/1745) ;
Roger Langlois, (1745), qui était docteur en théologie et prêtre;
Dom Louis Moissan, religieux grandmontain , (1750/1768);
Éléonor-Marie de Bois de Rochefort (1787), docteur en théologie, vicaire général de la Rochelle et curé de St-André-des-Arts "qui demeurant à Paris en son presbytère, rue du Cimetière et paroisse Saint-André-des-Arts, bailla à titre de ferme à prix d'argent...commençant au jour de la fête de la Saint-Jean-Baptiste 1786, et finissant à pareil jour de l'année 1795", le prieuré de Puy-Chevrier et son annexe d'Entrefins . Ce même prieur commendataire obtint le consentement de l'évêque diocésain de faire transférer le service des fondations qui se célébrait dans la chapelle d'Entrefins depuis des "temps immémoriaux" à la paroisse moyennant le paiement d'une somme de 52 livres pour le curé, et 20 livres pour la fabrique en indemnisation du pain, du vin et de la lumière le 17 Mai 1791
Lors de l’extinction et anéantissement de l’Ordre en 1770, Entrefins fut uni comme Puy-Chevrier, dont il était une annexe, au séminaire de Poitiers. Puis devenu bien national en 1789, le prieuré fut vendu le 28 germinal an III (17 avril 1795) à 9 heures du matin, à Mme Guérinière, veuve du sieur Garestier Lapierre. Le bien était affermé à Jean et Jacques Thiaudière, père et fils. Le bien comprenait :
Deux chambres basses avec grenier par-dessus, une grange, une étable à boeuf, un four, un petit toit, une autre petite grange, un toit à brebis, un jardin à coté de la ci-devant chapelle, un autre petit jardin à coté de la maison, le tout contenant ensemble une boisselée et demie, mesure de l’Isle-Jourdain. Le tout était dans un état plus que lamentable, le rapport de visite du 27 août 1779 établi à la demande des fermiers et métayers est éloquent (voir pièces). Il avait été établi pour obtenir du nouveau propriétaire, le séminaire de Poitiers, des travaux qui semblaient urgents...et qui ne furent pas exécutés, permettant d'acquérir un bien à un excellent prix quelques années après!
Mme Guérinière eut des difficultés pour recouvrer ses fermages et assigna les Thiaudière. Dans les attendus on peut lire :
"Dame Guérinière, veuve de Sieur Garestier-Lapierre a l'honneur de vous exposer que le 8 mars dernier, vous lui avez adjugé le ci-devant prieuré d'Entrefins, consistant en deux métairies, cens, meules, pour en jouir et disposer comme les ci-devant titulaire-fermier ancien et actuel qui en avaient joui et jouissaient.
Ce prieuré a été affermé au moment de l'adjudication au sieur et femme Boisjollet , du bourg d'Adriers, mais comme dans cette ferme se trouvaient compris différents droits ou dîmes supprimés aujourd'hui, il a fallu s'occuper de fixer le prix et la valeur des objets affermés devant être portés la déduction et défalcation, et régler en fin quelle somme les fermiers devaient compter à l'exposante chaque année, pendant la durée de leur bail... "
Puis l’exposante faisait ressortir les avantages que les fermiers retiraient de leur nouvelle position, entre autre qu'ils étaient auparavant tenus de porter personnellement en espèce chaque année le fermage au prieur commendataire de Bois de Rochefort, curé de St-André-des-Arts, rue du Cimetière, à Paris. Ce à quoi les Thiaudière répondirent que cela ne les dérangeaient nullement car ils conduisaient chaque année des bovins à Paris, et l'argent de la vente leur servait en partie à payer leur dû au prieur...
Ne trouvant aucun point d’accord avec ses fermiers, de guerre lasse Mme Guérinière leur vendit le bien en 1798...
Ce sont les descendants des Thiaudière qui firent reconstruire la petite chapelle actuelle au milieu du siècle dernier.