Voir également les documents suivants :
[R1] : Le mariage : Sacrement et validité
[R2] : Le temps du mariage
[R3] : Le mariage : ses contraintes religieuses et juridictionnelles

Imaginons nos ancêtres poitevins Jean et Marie ou Pierre et Jeanne au XVIIème ou XVIIIème siècle ! Ils se connaissent peut-être depuis la toute tendre enfance ou ils se rencontrent peut-être une première fois, placés comme domestique ou servante dans une paroisse voisine de leur lieu de naissance
Quel âge ont Jean et Marie quand ils commencent à s’aimer ? Quel âge ont-ils quand il leur vient à l’idée de se marier ? 15/16 ou 18 ans ? Pourquoi attendent-ils si longtemps avant de s’unir quand nous les retrouvons sur les registres paroissiaux, mariés souvent à 25, 30 ans ou parfois à 40 ans ?
Et puis il y a Jeanne, que l’on retrouve dans les précieux registres paroissiaux, mère à 13, 14 ou 15 ans et l’épouse d’un Pierre, nettement plus âgé qu’elle ! L’aime-t-elle son Pierre quand elle se marie ? N’a-t-elle pas au fond du coeur une préférence pour Jacques ? Mais au décès de sa mère, le père se remariant, décide qu’elle ira vivre en la demeure de Pierre, son lointain cousin.

Un destin probable parmi tant d’autres, qu’il nous est impossible d’énumérer ici. Ce n’est d’ailleurs pas notre but !
Le mariage, simple consentement libre et mutuel des époux selon la doctrine canonique classique, n’était pas de fait une affaire simple et libre de toutes contraintes. Nous venons de le voir en analysant les contraintes religieuses et juridictionnelles.
Mais le « corset » de contraintes socio-économiques n’est pas à mépriser non plus, ne fût-il pas même la plus grande difficulté d’une union ?

 

mariage 1
Dessin 1: de Roseline Skott


En France, comme dans toute l’Europe occidentale, les historiens démographiques constatent que l’âge au premier mariage s’est élevé graduellement du XVIème au XVIIIème siècle. La nuptialité précoce de la première moitié XVIème (20 ans en moyenne pour les filles, 24 pour les garçons avec 50% des filles mariées avant 20 ans), va en augmentant (23/24 ans pour les filles, 25/26 ans pour les hommes à la fin du XVIIème) pour atteindre les 25/26 ans pour les filles et les 27/28 ans pour les hommes au XVIIIème.
Ces moyennes restent encore toutes relatives car on n’a pas toujours la chance de découvrir l’âge exact, calculé à partir de la date de naissance.
Ces moyennes varient aussi selon les régions, ainsi notre Poitou-Charentes se distinguerait, selon les sources actuelles, par une moyenne d’âge au mariage de 21/22 ans pour les filles, ce qui serait dû, avant tout, aux coutumes d’héritage.
Cet âge tardif au mariage, allant en augmentant au cours de ces trois siècles peut être le résultat de la fixation de la majorité matrimoniale à 25 et à 30 ans selon les sexes, dès 1556 et renforcé par l’ordonnance de Blois.
Mais le mariage tardif semble surtout lié aux impératifs socioculturels et juridiques et socio-économiques.
Le mariage étant un processus qui obéit à des règles, dans tous les milieux sociaux, il est considéré comme une affaire d’intérêt, voire même « la plus grande affaire de la vie » où le domaine affectif a tendance à passer au second plan. On cherche à y réunir dans les meilleures conditions possibles les biens, les forces de travail et ensuite l’affectif ( voir ci-dessus les motifs de dispense de la « suppléante » en 1788)
Les déterminants du choix du conjoint sont divers et suivent moins le domaine affectif spontané et libre de notre vie moderne que les impératifs du rang social, du milieu rural ou urbain et de l’oeil vigilant des parents.

1° Le rôle des parents.

Le mariage totalement libre entre époux, comme le préconise le droit canonique classique, est rare, tout comme aussi le mariage sous énorme contrainte parentale..
Le mariage se discute et se réfléchit longuement entre les familles. La négociation par lettre ou par échange verbal entre les parents des époux aboutit généralement au consentement et obéissance des enfants.
Si les futurs époux se décident par affinité à se marier, ils ne le feront pas sans l’accord des parents, c’est pourquoi nous pouvons toujours lire sur les contrats de promesses de mariage « de l’advis et du consentement des parents et amis » avant « de l’advis et du consentement desdits proparlés » pour en terminer, après présentation des conditions du mariage par ces mots « voulu, consenti, stipulé et accepté par les parties ».
Le mariage arrangé, quelle que soit la condition sociale, est la règle. Il va dépendre de l’âge des futurs époux, des qualités morales et physiques des prétendants, de la considération de leur famille, mais surtout des assises économiques.
Les parents pouvaient aussi passer par des intermédiaires « le marieur » pour entamer les démarches de stratégies matrimoniales. Dans les campagnes ce marieur pouvait être un berger ou un tailleur aux talents de diplomate et connaissant bien les affaires familiales.
Après les premiers contacts faits entre les familles et selon les premières informations recueillies, les parents commenceront à orienter les enfants en usant de persuasion pour démontrer les inclinations d’intérêts.
Plusieurs démarches pouvaient être faites parallèlement sans que l’enfant soit au courant. Ainsi Jean Racine écrit à son fils Jean-Baptiste en 1698 : « J’ai pensé vous marier sans que vous en sussiez rien, et il s’en est peu fallu que la chose n’ait été engagée ; mais quand c’est venu au fait et au prendre, je n’ai trouvé l’affaire aussi avantageuse qu’elle paraissait.. »
L’autorité paternelle est primordiale et plus la sphère sociale est haute, plus elle peut devenir tyrannique, mais néanmoins le mariage ne se fera pas sans l’accord des époux.
Les contrastes d’opinions et l’opiniâtreté entre parents et enfants pouvaient ainsi être une raison de l’âge tardif de l’enfant au mariage, mais, après un certain temps, les enfants suivaient généralement cette opinion « l’obéissance vaut mieux en mariage que la passion ».

2° Le rôle des époux.

Si, en dernier ressort, le choix du conjoint revient presque toujours aux parents, la nature n’empêchait pas les désirs de l’âge !
Ainsi Rétif écrit en 1778 dans « La Vie de mon père » :
« .. Les garçons vont vers la fille, longtemps avant de parler aux parents, pour voir si elle leur plaira et s’ils lui plairont. Pour cela ils rôdent quelquefois des mois entiers autour de la maison avant de lui pouvoir parler. On en cause dans le pays, et la fille apprend que Pierrot ou Jacquot tel rôde autour de la maison pour elle. Un soir, par curiosité pure, elle prend un prétexte pour sortir, comme d’avoir oublié de fermer le poulailler, l’écurie aux vaches ou de leur avoir donné de la paille pour la nuit. Les parents n’en sont pas dupes. Si le garçon leur convient, ils ne disent mot, et la fille sort. Si au contraire il ne leur agrée pas, la mère ou le père se lève, repousse la fille sur sa chaise en lui disant : Tins-te là, j’y vas moi-même !…»
Les motifs donnés pour les dispenses de mariage signalent toutefois que le désir et la curiosité naturelle étaient souvent liées à une réflexion pratique et économique.
Ainsi ce laboureur qui veut épouser sa cousine au 4èmeèmeème degré explique que : « ..il l’a connaît, pour ainsi depuis le berceau et notamment depuis deux ans qu’il la hante à l’effet du mariage, pour une bonne fille très honnête, douée de bonnes qualités et telle qu’il faut pour être à la tête de sa maison où, en qualité de fermier, il a besoin de femme intelligente, capable de le représenter chez lui et ailleurs.. ».
Ainsi ce colporteur, absent de chez lui 8 mois de l’année a besoin « d’une femme pour tenir son petit ménage, pour soigner une mère septuagénaire et infirme, et pour faire valoir une petite propriété de 7 vergées de terre chargée de rentes et de dettes.. »
Les futurs époux, voulant d’eux-mêmes unir leur destin, devaient entamer des pourparlers préliminaires diplomatiques pour convaincre les parents, au cas où leur propre choix risqua de ne pas plaire. S’ils n’osaient le faire eux-mêmes, ils utilisaient souvent l’intermédiaire des amis (souvent présents aussi aux contrats de mariage) ou le parrain ou la marraine.
S’il y avait eu démarche verbale entre familles, venait ensuite la demande officielle que, généralement, le père du futur faisait au père de la future. Cette demande en mariage pouvait aussi se faire par le futur lui-même, ce qui deviendra la coutume par la suite.
Parmi les classes aisées, des formules de politesse étaient dites qui cachaient souvent l’âpreté des discussions d’intérêts préalables. Dans les campagnes, la prudence paysanne exigeait moins les réponses verbales que les gestes. Selon les régions, tisonner le feu et y mettre une bûche, offrir du vin ou un plat de viande symbolisait le « oui » tandis qu’éteindre le feu, mettre la marmite, la poêle ou le balai à l’envers signifiait un « non ». Après l’acceptation de la demande en mariage, le droit à la fréquentation avant les fiançailles pouvait commencer. Les foires, les noces, les fêtes populaires étaient une occasion de se rencontrer plus librement, tout comme le travail quotidien et les veillées, où les futurs avaient le droit de se courtiser, de « faire l’amour ».
En dernier ressort, les conditions du mariage conclues entre familles, les parties iront voir un notaire pour arranger le mariage. La fille, majeure, maîtresse de ses droits ou pas, y sera toujours « autorisée » par son père ou son curateur à signer les conventions si elle le peut ou à y consentir verbalement si elle ne sait signer.

3° Le rôle de l’âge

Selon l’historien Pierre Chaunu, l’âge tardif au mariage, notamment des filles, serait « la véritable arme contraceptive de l’Europe classique ». Longtemps, l’Eglise, dirigée par une élite célibataire et exaltant l’ascèse sexuelle, se serait peu intéressée à la masse des fidèles, en interdisant le mariage prépubertaire mais en acceptant que le mariage se fasse peu après la puberté.
Ce serait après l’accroissement démographique, à une époque où la précarité de la vie de subsistance des masses devenait problématique, qu’un retardement à l’âge du mariage aurait eu lieu. Un aspect que le pouvoir royal, un peu partout en Europe, aurait reconnu en imposant une majorité matrimoniale tardive, repoussant ainsi par conséquence, la période de fécondité de la femme. Cette disposition permettait à longue échéance, si elle était suivie, un facteur de stabilité économique.
Certes, ce mariage tardif laisse poser le problème de la continence qu’imposait la morale religieuse, entre la puberté et le mariage, mais ceci n’est pas notre sujet !
Au premier mariage, la tendance générale semble être : un époux plus âgé que l’épouse, mais avec un écart plus grand entre les époux de couches sociales supérieures que pour les couches sociales inférieures, où il n’est pas rare d’y voir l’épouse plus âgée que l’époux.
Les écarts d’âge seraient proportionnels au niveau socio-économique, en moyenne de 5 à 6 ans pour les notables, de 2 à 3 pour les artisans et d’à peine d’un an pour les ouvriers agricoles.
Les unions entre époux aux âges trop disproportionnés étaient mal considérées. Ainsi ce père qui répond à son fils de 26 ans, voulant épouser une veuve de 36 ans :
« Ce mariage ne peut vous convenir en aucune manière, et je n’y donnerai certainement pas mon consentement.. Je ne puis pas mieux vous marquer ma tendresse pour vous dans ce refus.. »
Dans les démarches matrimoniales, on faisait attention à l’âge assorti entre les futurs époux qui aurait suivi cet idéal :
Une fille de 17 ans pour un garçon de 22 ans, une de 22 ans pour un homme de 27 ans, une de 24 pour un homme de 31, une de 28 pour un homme de 36 ans., l’écart toléré grandissant avec l’âge des futurs prétendants.
Les mariages mal assortis en âge des conjoints, surtout les remariages, étaient sujets au « charivari », démonstration toujours bruyante, plus ou moins facétieuse, ayant lieu généralement la nuit autour de la maison du couple.
C’était une réprobation de la jeunesse, voyant souvent dans le mariage d’un conjoint nettement plus âgé que l’autre, un dommage fait au groupe des célibataires, en âge d’épouser le conjoint le plus jeune, perdu à jamais dans la possibilité de choix restreinte des petites paroisses.

4° le rôle socio-économique .

L’ordre social est presque immuable : chaque homme naît dans une certaine condition et il doit y rester. Il peut, tout au plus essayer par un mariage de s’élever à l’intérieur de cette condition, et parfois le mariage peut l’y aider selon la dot de l’épouse.
Si le mariage dans les milieux aristocratiques est une affaire de rang et l’union de deux noms, il est, avant tout, une affaire d’intérêt qui exige une union assortie. Le choix personnel aura peu de poids.
L’aîné devra se marier pour prolonger la lignée en conservant le nom grâce à la naissance d’un fils. Les mésalliances seront très mal considérées, mais la notion de mésalliance vise toujours la fille noble épousant un roturier. L’inverse, pour parfois redorer le blason, sera toléré, même s’il est méprisé, ainsi Madame de Grignan dira du mariage de son fils avec la fille d’un fermier général : « Il fallait bien de temps en temps du fumier sur les meilleures terres ».
La fortune du conjoint, avant le nom, sera un argument majeur pour se marier, chez les nobles comme chez les bourgeois. C’est ainsi que l’homogamie socio-professionnelle dominera .
Plus de 70% des magistrats des parlements et sénéchaussées royales épousent des filles du même milieu. Les chiffres sont comparables parmi les grands négociants. Cette homogamie se retrouve aux échelons inférieurs, jusqu’à 80% de laboureurs épousent des filles de laboureurs et plus de 75% de journaliers épousent des journalières.
Cette politique matrimoniale a pour but de sauvegarder le groupe. C’est ainsi qu’on la retrouve chez les notables protestants, bien avant la révocation de l’Edit de Nantes, ainsi probablement le proverbe « qui se ressemble, s’assemble ».
Esprit de clan, souci de conserver les dots dans les familles, l’homogamie marchera de pair avec l’endogamie pour conserver les intérêts de la communauté familiale. Dans les campagnes, il est exceptionnel qu’on choisisse son conjoint dans un rayon de plus de 10 à 15 km de sa paroisse de naissance ou de domicile. Le mariage d’un « étranger » avec la « fille du pays » est souvent jugée comme un tort à la communauté, en particulier aux jeunes gens de la paroisse en attente d’un conjoint.
C’est alors que les unions consanguines seront nombreuses pour « trouver chaussure à son pied ». Au XVIIème un fermier sur huit serait conduit à épouser sa cousine « interdite ».
En nous limitant à nos propres recherches généalogiques sur nos branches protestantes du Poitou, la tendance va plus loin : un protestant sur quatre épouse une cousine plus ou moins lointaine. Ici, il est évident, qu’à l’intérêt professionnel et communautaire, s’ajoute la volonté de survie d’une minorité poursuivie sous la pression du pouvoir royal.
L’endogamie géographique varie selon l’effectif de la population de la paroisse. Plus la paroisse est fortement peuplée, plus l’endogamie est forte, tellement est grand l’esprit communautaire. Dans les paroisses à faible densité de population, l’endogamie sera moins grande dans la mesure où le choix du conjoint sera plus restreint. Il faut aller dans les paroisses plus ou moins voisines pour trouver un conjoint adéquat.
L’endogamie géographique diminue à la ville et aussi à mesure qu’on s’élève dans le rang social.
Le mariage sera aussi conditionné par deux grands impératifs économiques :
D’une part, malheur à l’homme ou à la femme seul(e). Le mariage était une nécessité pour avoir des enfants, mais aussi pour survivre. La vie de couple était une répartition des tâches(surtout dans le monde rural et artisanal) qui permettait la survie économique !.Deux bras manquants étaient fatals pour gérer un simple petit lopin de terre !
Le célibat définitif (plus de 50 ans) est rare à la campagne, et les filles, à partir d’un certain âge, n’hésitent pas à invoquer les saints divers et à recourir aux pratiques magico-religieuses pour parer à cette éventualité du destin.
D’autre part, on ne se marie que quand cela est économiquement possible.
On attend pour se marier sa part d’héritage familial, la fin de son apprentissage, ou d’avoir économiser un petit pécule pour pouvoir faire vivre une famille ou bien tout simplement qu’une place soit libre pour fonder un foyer.
Cette place libre est, la plupart du temps, liée au départ d’un frère ou d’une soeur dans la demeure de son conjoint, ou la mort d’un ou deux membres de la communauté familiale (ceci tout particulièrement parmi les groupes sociaux peu fortunés des campagnes.)
Il semble que la mort ait joué un rôle très important dans la formation d’un couple. L’étude des mouvements de mariage par paroisses a tendance à prouver qu’au lendemain de grandes épidémies, de grandes crises de mortalité, le nombre des mariages augmente bien au-dessus de la moyenne annuelle de la même paroisse.
On se marie alors pour reconstituer une communauté qui vient de se dissoudre par le décès d’un père ou d’une mère « libérant » une fille ou un fils, ou celui d’une soeur aînée laissant seul son plus jeune frère. La communauté suit toujours cette simple règle de productivité : il faut remplacer les « deux bras manquants » par un nouveau venu.
Chaque généalogiste, amateur ou non, aura pu constater à maintes reprises, qu’un veuf et une veuve se remarient en même temps ou presque que leurs enfants réciproques de la première union. Ici , deux communautés différentes, mais « mutilées » l’une et l’autre sont « réparées et sauvées » d’un seul coup en se regroupant..
On se marie aussi parce que le décès d’un père ou d’une mère, ou d’un oncle assure d’un coup la possibilité de fonder un foyer. L’héritage, souvent une partie du montant de la dot, permet d’apporter les « acquêts, conquêts, meubles, immeubles et deniers » respectables pour survivre en couple dans son groupe social, toujours mentionnés dans les contrats de mariage.

5° le rôle des stratégies matrimoniales.

Les stratégies matrimoniales ne sont que le corollaire des impératifs économiques et juridiques.
Le mariage était plus précoce en France du sud où la coutume d’héritage inégalitaire dominait. C’est le cas de notre Poitou où le droit coutumier faisait que l’aîné héritait de la maison. Il fallait donc marier au plus vite les cadets et les cadettes pour qu’ils quittent la maison.
Les pratiques successorales dictent sans aucun doute le choix du conjoint.
Les aînés doivent suivre la politique d’équilibre des patrimoines. Les cadets, dans les milieux supérieurs seront dirigés sur des carrières ecclésiastiques ou militaires. Mais l’idée, et son usage, de transmettre à un seul enfant les biens de la communauté et de la lignée n’est pas propre à la noblesse, cette pratique étant répandue dans les campagnes du sud de la France où le droit écrit conserve le régime du droit romain, tandis que nord de la France subit le droit égalitaire.
Le régime dotal désigne toutes les prestations matrimoniales, qu’elles soient de la famille du mari ou de celle de la femme, même si la dot désigne généralement l’ensemble des biens et des services donnés par la famille de la fiancée au futur mari.
Ce régime dotal permet aux parents de favoriser l’un de leurs enfants, généralement l’aîné, mais pas systématiquement dans toutes les régions. Cet enfant, désigné héritier, reçoit sans partage la maison et les terres, tandis que ses frères et soeurs seront dotés en argent.
La dot des cadets et cadettes sera proportionnée au niveau social de la famille, ce qui parfois ne va pas sans difficultés si le patrimoine n’est composé que de terres. C’est pourquoi la politique matrimoniale va reposer sur la « maison » ou « ostal », nom donné à l’ensemble de bien matériels et immatériels transmis à un héritier, les fameux « acquets, conquets, meubles et immeubles » que nous rencontrons régulièrement à la lecture des contrats de mariage.
La stratégie est « presque » simple : on cherche à marier l’héritier d’une famille avec la cadette d’une autre famille de niveau social si possible équivalent. Le père transmet l’héritage du patrimoine au fils et reçoit la dot de sa belle-fille, qui permettra de doter d’autres enfants. C’est alors que les alliances des autres enfants seront guidées par la nécessité de stabilité de la maison et de circulation des dots.
Les stratégies sont variables, alliances avec des lignées parentes, d’autres non-parentes. Dans les régions particulièrement pauvres, le nombre d’ostals est restreint et on s’arrange alors à marier respectivement le même jour l’héritier et son cadet ou sa cadette dotés à une héritière et son cadet ou sa cadette. C’est alors que patrimoine et dot ont même valeur et aucun argent n’est versé. Ce principe de réciprocité amène parfois ce genre de découverte généalogique, à savoir que trois ou quatre frères et soeurs épousent trois ou quatre autres frères et soeurs ou cousins d’une autre famille le même jour ou à peu d’intervalle. La pratique peut s’élargir à 2 ou 3 ostals qui, par renchaînement d’alliances aux générations suivantes retrouveront leurs biens.
En pratique, voici ce que cette politique matrimoniale pouvait donner :
Jean DUPOND, héritier des biens des parents, épouse en premières noces Jeanne DURAND qui lui apporte 300 livres de dot et avec qui il a 6 enfants. Veuf, 10 ans plus tard, il se remarie avec Marie DUMAS qui lui apporte 200 livres de dot et avec qui il a 2 enfants. Sur la descendance des deux unions 3 enfants meurent en bas-âge et trois autres se marieront. Jacques, l’aîné, héritier de ses biens, se mariera avec Françoise DUPUIS qui apporte une dot de 500 livres qui servira à doter deux des filles de Jean DUPOND:
-Jeanne, fille de la 1èreèreère union qui épousera Jean DUMAS, le frère cadet ou le neveu de sa seconde épouse, en apportant 200 livres de dot à la maison des DUMAS.-> la somme qu’avait apportée Marie DUMAS revient à la maison DUMAS !
-Marie, fille de sa 2èmeèmeème union qui épousera Jean DURAND, le fils cadet ou le petit-fils du frère de sa première épouse en apportant 300 livres de dot à la maison DURAND.-> la somme qu’avait apportée Jeanne DURAND retourne à la maison DURAND
 Un prêté pour un rendu sur plusieurs générations.
Il reste à Jean DUPOND deux enfants à marier. Ces deux-là devront attendre pour se marier le décès du père, de la mère ou le décès du frère, éventuellement dans les maisons DURAND ou DUMAS s’il y a mariage à faire……
Jean et Marie, Pierre et Jeanne, nos ancêtres, vous aimiez-vous avant le mariage ? Avez-vous appris à vous aimer après le mariage ? Ne vous êtes-vous jamais aimés, mais seulement respectés ? Fatalistes et bons enfants que vous étiez, n’avez-vous jamais que suivi les lois écrites ou non-écrites d’un ordre social, quand on vous voit, vous remarier quelques trois à six mois après le décès de votre première épouse, ou un an après le décès de votre premier époux ? N’avez-vous jamais appris à connaître l’amour et le désir comme nous savons aujourd’hui être la meilleure thérapie vitale ? Avez-vous été ce qu’on appelle heureux aujourd’hui ? Humbles, si respectueux des règles familiales et régionales, nous vous supposons très insoucieux de ce genre de questions et encore moins de leurs réponses.
La vie allait son cours, d’un cycle familial à l’autre, sans peur du lendemain si vous n’étiez pas seuls, malgré toutes les préoccupations du pain quotidien…. Mais, si vous vous retrouviez seuls, c’est à nous, d’imaginer tous les soucis et les angoisses.. Sommes-nous en mesure de le faire avec notre mentalité « d’aide sociale » dont l’Etat nous parait redevable aujourd’hui?