Je vous soumets une pièce que j'ai trouvée sur Gallica. C'est très intéressant mais aussi très volumineux: 331 pages. Il y a la correspondance de Mme de Medel (Poitiers à l'approche de la Révolution , vu de La Villedieu) et d'autres pièces qui datent d'autres époques :
- P 214: Construction du temple du Vigean (1654)
- P 218: Baptêmes, mariages et sépultures de l'église réformée de Champagne-Mouton (1666-1671)
- P 222: Enquête de 1714 sur l'industrie de la serge en Poitou
- P 280: Obituaire du prieuré fontevriste de Montazay (1747-1771)
- P 283: Table alphabétique des noms propres paraissant dans l'ouvrage
Je pense personnellement que c'est un document d'une richesse extraordinaire pour tous les généalogistes poitevins et qui doit être connu de bon nombre d'entre eux.
Ce document a été publié en 1931 par la Société des Archives Historiques du Poitou. En voici l'introduction.
Correspondance de Mme de Médel
1T70- -1789
PUBLIÉE PAR M. LE DOYEN H. CARRÉ
ANNOTATION PAR LE R. P. DOM PIERRE DE MONSABERT
INTRODUCTION
Les lettres que nous publions furent écrites par Angélique-Séraphine de Ferrières, née à Poitiers le 20 septembre 1742. Fille de Charles-Léon de Ferrières, cornette, de la Compagnie de Saint-Hilaire, dans le régiment des Dragons de Condé, et de Marie-Anne du Tillet, elle fut soeur de Charles-Elie, marquis de Ferrières et seigneur de Marsay, député de la noblesse de la sénéchaussée de Saumur aux États Généraux de 1789. Emigrée en janvier 1792, elle mourut sans postérité à Hambourg, en 1799. Elle avait épousé, en premières noces, le 22 avril 1765, Louis-Charles-Joseph Piet de Piédefonds, chevalier, seigneur de Péré et de Genouillé, en secondes noces, le 23 février 1775, Jean-Baptiste Leconite, chevalier de Médel, capitaine au régiment de Tournaisis, qui devait la précéder dans l'émigration, en septembre 1791.
La correspondance Médel comporte soixante-dix-huit lettres, dont sept sont antérieures au second mariage. Presque toutes se rapportent au règne de Louis XVI, et peuvent attirer l'attention comme donnant une sorte de tableau de la Vie nobiliaire, à Poitiers et aux alentours de cette ville, aux approches de la Révolution. Elles oiit été conservées par le vicomte de la Messelière, Poitevin d'origine, résidant à Saint-Brieuc, qui a bien voulu, très gracieusement, les mettre à notre, disposition.
Pour ce qui est des personnes dont elle dit les faits et 'gestes, la correspondance est, à coup sûr, plus riche que la partie des Souvenirs du baron de Frénilly consacrée à Poitiers ; et elle peut animer de personnages vivants les chapitres où M. de la Liborlière, dans, ses Vieux souvenirs de Poitiers avant 1789, a voulu nous donner quelque idée des soirées, des visites, des arts d'agrément, des représentations théâtrales d'autrefois. Si M. de la Liborlière, en effet, ne cite aucun Poitevin du vieux temps, sauf MM. de Blossac, de Nieul et B'oulâ de Nanteuil, si M. de Frenilly n'en cite qu'un petit nombre, Mme de Médel met en scène tous les gens qu'elle rencontre, et là est, croyons-nous, le principal intérêt de ses lettres.
Très intelligente et très cultivée, elle écrit de façon vive et alerte, parfois avec humour, et l'on voit vraiment autour d'elle circuler et agir la plupart des familles qu'elle fréquente. On voit comment elles vivent, comment chacune a pris racine sur ses terres ; quelles sont leurs ressources, combien elles sont souvent peu riches, parfois même presque pauvres ; mais comment toutes cependant prétendent vivre noblement. On les voit éprises de fêtes et de nouveautés, préoccupées de politique, raillant lesgens de cour, toujours en quête de nouvelles venant de Paris ou de Versailles, s'attachant surtout aux événements politiques depuis l'ouverture des assemblées provinciales.
Mme de Médel n'écrit guère qu'à sa belle-soeur, M™ de Ferrières, qui vit presque toute l'année en son château de Marsay, en Mirebalais ; celle-ci est loin des nouvelles du jour, et a besoin qu'une parente amie, habitant Poitiers ou la Villedieu-du-Glain, tout près de Poitiers, lui dise ce dont ne parlent ni la Gazette, ni le Mercure de France, ni les Affiches du Poitou, et tout ce qui se passe et se raconte là ou fréquentent les femmes du monde, tous les bruits colportés par ceux des Poitevins qui voyagent.
A titre de curiosité, on relèvera chez Mme de Médel des formes de langage qui, tantôt sont des barbarismes fabriqués pour la circonstance, tantôt des locutions régionales qui subsistent de nos jours. Quand Mme de Médel parle d'une étoffe de laine un peu moins grossière que la bure, elle appelle cette étoffe une « buratte » ; quand elle parle d'un repas où l'on se « régale », d'une succession de dîners fins, ce sont, pour elle, de véritables « régauts ». Pour faire ressortir le travail d'une femme, en sa maison, elle invente le verbe « ménager », dans le sens de travailler au ménage ; si elle ne dispose que d'une cuisinière médiocre, elle la traite de « carabine », c'est-à-dire d'apprentie, comme on ferail d'un apprenti médecin, qu'on appelle « carabin». Très préoccupée du travail de ses métairies, elle pratique le vocabulaire des agriculteurs. Elle dit que les blés « se dédisent à la montée ». que les paysans font « la métive », c'est-à-dire fauchent et ramassent les blés ; qu'ils procèdent à la « batterie » des grains, à coups de fléaux sans doute. Quand elle parle de blé de Turquie, c'est-à-dire du maïs, elle lui donne le nom de «garouil». Quand la récolte de vin s'annonce abondante, elle vend son raisin « au pas de la vigne »... L'historien de la langue pourrait donc, semble-t-il, lire ses lettres avec fruit.
Si l'on peut reprocher à Mme de Médel de dénaturer quelquefois les noms propres ou d'écrire le même nom de façons différentes, il faut la féliciter d'avoir tenté de bien dater ses lettres, très différente en cela de son frère, le marquis de Ferrières, qui souvent date les siennes fort mal, ou ne les date pas. Il arrive pourtant que Mme de Médel inscrit des dates inexactes ; nous avons cru devoir les rectifier d'après les faits qu'elle signale, ou d'après ceux qui se peuvent établir.
Henri CARRÉ