Eh bien ! M., voici encore deux foires, l'une en la ville du Blanc, le 3 Juin, & l'autre en celle de Bélabre, le 10, où le bêtes à cornes devenues tout à coup furieuses, ont renversé, blassé, estropié plusieurs persones. Cela gagne, comme vous voyez, bien du pays & toujours en Poitou ; car Belabre est de votre Province, & la foire du Blanc, dont je parle, se tient dans la ville haute qui est du Poitou. Il est fort à craindre qu'à la fin le commerce n'en soufre : car quelque pressant besoin que l'on puisse avoir de vendre ou d'acheter, qui voudra désormais courir les risques d'être écrasé sous les pieds de ces animaux ? d'ailleurs ils s'estropient eux-mêmes, entrent dans les blés, dans les vignes, y font des dégats afreux, & ce n'est pas un petit embaras que de pouvoir les retrouver. Je vous ai dit une fois (Aff. du 15 Septembre 1774) ce que je pensois d'un événement aussi extraordinaire ; mais depuis, je serois presque tenté de croire que ce sont des filoux qui jetent devant le nez de ces bêtes quelque poudre pour laquelle elles ont une antipathie naturele, & cela dans la seule vue de profiter du désordre qui en résulte : en effet pour se garantir du danger,on se sauve où l'on peut, on court, on se rassemble, on se presse dans les endroits qui paroissent les moins exposés, & c'est précisément là que des filoux peuvent d'autant mieux faire leurs coups, qu'on songe plus en ce moment à mettre sa vie en sûreté que sa bourse. Comme cet objet est très-important & peut avoir les suites les plus funestes ; ce seroit un acte de Police très-sage & très-prudent, que de placer en différens endroits des foires qui se tiendront à l'avenir, des persones uniquement chargées d'observer ce qui peut donner lieu à des accidens qui devienent trop fréquens, & qui par cela même méritent toute l'attention des Administrateurs du bien public. Il est remarquable qu'en ces foires, cette furie des bêtes à corne ne s'est fait sentir qu'entre onze heures & midi, temps où on commence à compter de l'argent & à payer la marchandise qu'on a achetée.
Je sais très-bon grè, M., à M. l'Abbé Coll, de l'annonce qu'il me fait dans votre Affiche du 15 de ce mois, & je me sens tout disposé à répondre autant bien que je le pourai, aux questions qu'il se propose de me faire sur les pétrifications de la partie du Berry que j'habite. J'approuve très-fort sa recette pour détruire les charançons ; elle ne m'étoit pas inconnue, & la méthode que je pratique, en mettant dans mes greniers, des oignons, de l'ail, des têtes de chanvre mâle, différens paquêts d'ièble, d'absinthe, de ruhe, &c. est l'équivalent du foin qu'il propose pour les granges. (D'Argenton en Berry, le 19 Juin 1775.)
ADP, n° 27, du 6 juin 1775, page 114