Le mois de janvier
Il est utile et nécessaire de récapituler les observations météorologiques, notées quotidiennement dans sur la feuille officielle pour avoir un aperçu réel de l’état du ciel et de la végétation, dans notre région, pendant chaque période mensuelle.
A compter du 1er janvier jusqu’au 5, inclusivement, le ciel a été brumeux, humide et froid ; puis la température atmosphérique, plus refroidie, a engendré de la neige fondue et des pluies fines jusqu’au 9, et la gelée a sévi vigoureusement jusqu’au 11, suivie de neige et de grésil par un vent de Nord-Est très vif.
Du 11 au 20, soit par le dégel, la neige fondue, la pluie, le brouillard et même la gelée blanche matinale, sauf quelques rares éclaircies, le ciel est devenu couvert, brumeux, humide et l’air froid.
La nuit du 20 a été étoilée, et la gelée s’est manifestée jusqu’au 22 date à laquelle le ciel a pris une physionomie sombre et frigorifique.
Le lendemain au soir, 23, une couche de épaisse de verglas s’est formée soudain, avec une telle intensité, qu’on ne pouvait ouvrir certaines portes cochères hermétiquement closes par la glace.
Le verglas a persisté jusqu’au lendemain soir, à la brune, et le givre, attaché aux gouttières, aux brindilles, aux arbres, etc… en forme de stalactites s’est con…[illisible] jusqu’au 26 au soir et même jusqu’au 27 sur les collines exposées au Nord.
Ensuite, des brouillards intenses, par un froid noir, un ciel couvert et sombre, ont succédé au verglas jusqu’à la fin du mois.
Dans cette première période de froidures et d’intempéries, glaciales, la végétation s’est ralentie ; - ce n’est peut-être pas un mal –, mais les blés, en herbes, semés par un temps humide et un labour difficile, ne font qu’effleurer le sol et ont une apparence plutôt rousse que verte. Les bourgeons des végétaux précoces ne sont pas développés ; – c’est peut-être aussi un bien ; – mais le verglas, par la surcharge de glace, a rompu et endommagé les frêles branches des arbres et des tiges fructifères, aura, sans contredit, porté de graves préjudices à l’abondance et à la prospérité des fruits de toute espèce.
Ce n’est pas seulement dans notre contrée que le froid a sévi avec rigueur, les mêmes intempéries, plus ou moins accentuées, se sont déclarées dans presque toutes les régions de France.
Le mois de janvier 1879 doit donc être signalé comme la première partie d’un hiver radical.
Th. Yvert.
(Source : AD86 - Le Journal de la Vienne n° 31 du jeudi 6 février 1879)
Le mois de février
Les brouillards des derniers jours du mois de janvier se sont succédé jusqu’au 9 février, par une température plus froide que douce.
Ensuite, des coups de vent, des giboulées et des pluies, par averses, se sont manifesté jusqu’au 15, où la température a semblé s’adoucir dans un climat douteux ; la nuit a été découverte et étoilée ; mais le lendemain, le vent d’ouest a soufflé violemment, avec des pluies alternatives, par une température variable jusqu’au 19, date précise à laquelle un refroidissement subit de l’atmosphère a amené une gelée blanche matinale ; la nuit suivante a été troublée par un ouragan formidable, suivi de neige fondue et de giboulées froides jusqu’au soir du 22 ; le 23, l’air est devenu plus froid ; le 24, une épaisse couche de neige, dès l’aube, couvrait totalement le sol, et la neige a continué de tomber en abondance jusqu’au soir.
Le 25, une assez forte gelée a conservé l’épaisse couche de neige de la veille, par un vent nord-est très vif ; puis le vent, ayant fait volte-face, pendant la nuit, une pluie de neige fine, compacte et battante en a été le résultat durant la journée du 26.
Le 27, dans l’après-midi, de courtes éclaircies ont laissé entrevoir quelque peu le soleil ; mais bientôt après le ciel a repris son voile sombre ; la nuit a été brumeuse, pluvieuse, et, dès le point du jour, un brouillard intense, par un froid humide, a fini le mois comme il a commencé.
Ces perturbations atmosphériques ont considérablement ralenti la végétation, – qui n’est plus guère avancée qu’au mois de janvier, – et retardé le labourage des terres pour l’ensemencement des grains du printemps. Déjà, pendant les phases critiques de novembre et décembre, les champs de labour ont été difficilement ensemencés, – d’aucuns pas du tout ; – la continuation du mauvais temps, aux approches de la saison des semailles printanières, fait appréhender une diminution sensible des récoltes de céréales dans notre région. Beaucoup de terres, destinées aux blés de mars, sont inondées ; et, outre l’humidité excessive de cette seconde période hivernale, la neige couvrait encore, en partie, le sol et les toitures à la fin du mois de février !
Th. Yvert
(Le Journal de la Vienne n° 57 du samedi 8 mars 1879)
Le mois de mars
Brumeux et humide pendant les cinq premiers jours de mars, le ciel s’est éclairci, en partie, quoique traversé par des froidures et de légères gelées blanches, sans consistance, dans le reste de la première dizaine.
Le 11, une dépression sensible a signalé un temps moins humide et une atmosphère plus diaphane, les 12 et 13 ont subi quelques pluies fines et froides ; le 14 après une nuit étoilée, calme et froide, une gelée à glace s’est déclarée dès l’aube ; puis des jours, agités par des vents variables, sous une température inconstante, sans incidents néfastes, ont rempli la seconde dizaine.
Le 20, dans la soirée, une petite pluie fine, douce et salutaire, a semblé accuser le retour du printemps ; – en effet, le printemps a commencé le 20 à 11 heures 41 minutes du soir ; – mais le 21, l’atmosphère, subitement refroidie par le vent nord-est, a change le temps incertain en pluies froides, neige fondue et brumes épaisses jusqu’au 29, date à laquelle le vent, chassant du sud-ouest, par une température plus douce, a amené de nouvelles vapeurs d’eau, dont les averses intermittentes et épaisses se sont manifestées pendant les derniers jours de mars.
En somme, temps très beau pendant les 20 premiers jours du mois avec une température relativement élevée pour la saison…puis gros temps, quelque peu préjudiciable aux façons du labourage pour les ensemencements des grains et du jardinage ; développement timide des bourgeons ; floraison tardive des végétaux précoces qui, d’ordinaire, sont les premières parures du printemps.
(Le Journal de la Vienne n° 84 du mercredi 9 avril 1879)
Le mois d’avril
Il importe d’autant plus de connaître les détails des phénomènes, qui se sont passés pendant cette période, que c’est la saison de laquelle dépend le résultat des récoltes en terre.
Le gros temps qui s’est manifesté depuis le début du printemps, a continué par température devenant graduellement plus froide jusqu’au 6 avril, où une pression considérable, a occasionné dans l’espace de deux jours des giboulées, des bourrasques, et notamment un ouragan dans la nuit du 6 au 7.
Du 8 au 12, un vent du nord, assez vif, a refroidi sensiblement l’atmosphère ; et le vent, touchant au nord-est, a donné lieu a une première gelée matinale, assez forte, suivie d’une seconde plus intense le 13 ; puis le vent nord-ouest, soufflant par rafales, a amené des averses, dont quelques-unes étaient entremêlées de grêlons.
Le 17, la marche ascendante du baromètre a signalé une nouvelle pression atmosphérique jusqu’au 18 et 19, où une gelée, sans gravité, s’est déclarée dès l’aube du 18.
Le vent sud-ouest, précurseur d’une température plus douce, a amené de nouvelles pluies intermittentes les 19, 20 et 21 ; puis le vent, venant brusquement du nord-ouest, a occasionné des éclaircies jusqu’au 25, sous une pression accentuée qui a fait espérer l’approche du beau temps.
Le 26, une dépression soudaine a rendu le ciel nuageux ; le tonnerre s’est fait entendre.
Les deux derniers jours du mois ont été beaux, mais le vent piquant du nord faisait désirer une température plus douce ; une gelée assez dure a sévi dans la matinée du 30.
Il va sans dire que, par ces changements brusques de température, les contrées affectées de grêle et d’inondation ont subi des dégâts incontestables. Chez nous, les blés et les vignes, étant peu avancés, le mal n’a porté que sur les végétaux en pleine floraison, particulièrement sur certains noyers ; les arbres fruitiers, qui n’ont pas été atteints, promettent une récolte abondante.
Th. Yvert.
(Le Journal de la Vienne n° 109 du vendredi 9 mai 1879)
Le mois de Mai
Ce mois qui tient sa place entre les fleurs et les épis, s’est écoulé au milieu des variations capricieuses d’un temps, ou couvert ou nuageux ou avec des éclaircies, sous l’influence d’une atmosphère chargée de vapeurs froides qui dégénéraient en gelées matinales en pluie et en grêle, aussi préjudiciables aux pousses végétales qu’aux travaux de la saison.
A la fin de la lune rousse, le 31, une amélioration atmosphérique a semblé se produire sous de petites pluies fines et propices ; mais le ciel a pris une physionomie nébuleuse, agitée par des rafales amenant des averses du nord-ouest et de l’ouest, et la température, encore basse jusqu’à la fin du mois, n’a pas réparé le mal du passé.
Les guérets, abreuvés, depuis les ondées d’avril, n’ont pu être ensemencés qu’imparfaitement ; la gelée et la grêle ont endommagé les luzernes et les sainfoins ; les blés, encore en herbe, sont plus jaunes que verts ; la plupart des arbres fruitiers sont, en partie dépouillés de leurs fruits naissants ; les vignes basses sont atteintes par les gelées.
Les légumes précoces, les petits pois verts, les artichauts, etc, ont aussi subi des entraves à leur venue printanière.
S’il est difficile de prévoir ce que l’avenir réserve dans les hautes régions de l’atmosphère, il est permis de prévoir les végétaux étant à la fin du mois de mai, dans une situation déplorable, que la moisson ne sera pas belle.
Th. Yvert
(Le Journal de la Vienne n° 132 du samedi 7 juin 1879)