Eh bien ! M., voici encore deux foires, l'une en la ville du Blanc, le 3 Juin, & l'autre en celle de Bélabre, le 10, où le bêtes à cornes devenues tout à coup furieuses, ont renversé, blassé, estropié plusieurs persones. Cela gagne, comme vous voyez, bien du pays & toujours en Poitou ; car Belabre est de votre Province, & la foire du Blanc, dont je parle, se tient dans la ville haute qui est du Poitou.

Je vous dirai, M., que notre ami commun, M. Duber, m'a fait le plaisir de venir passer une partie de l'Autone avec moi. Il a été souvent question de vous dans nos entretiens, & nous nou proposions bien l'un & l'autre de vous fournir quelques matériaux pour vos Feuilles ; mais comme vous n'en manquez pas d'ailleurs, & que nos occupations journalieres ne nous en ont pas laissé le temps, nous avons remis l'aquitement de cette dette à une autre fois. M. Dubet a laissé dans tout notre pays une assez mauvaise opinion de sa persone, & je ne me flate pas qu'on y en ait une meilleure de moi. Que penser en effet de deux hommes qui couroient les champs depuis le matin jusqu'au soir, & qui ne s'arrêtoient que pour ramasser avec empressement des pierres dont ils revenoient chargés ? les gens qui nous voyoient ainsi occupés, ne devoient-ils pas croire que nous étions des foux à lier ?

Il y a, M., dans la Médecine, une chose qui me fait de la peine, c’est de voir que pour la moindre petite indispositon, on ne craint point de prodiguer notre sang ; cependant je mets en fait, que la saignée qui ne devroit être ordonée qu’avec beaucoup de réserve & dans les seules maladies inflammatoires, fait mourir plus de persones qu’elle n’en a guéries. Pour se convaincre de cette vérité affligeante, il ne faut que jeter un coup d’œil sur nos campagnes, on y verra des Chirurgiens, ou plutôt de simples garçons, des apprentits, saigner & purger, purger & saigner dans toutes les maladies jusqu’à ce que mort s’ensuive : ainsi cette maniere sourde, mais prompte & efficace de tuer les gens sous prétexte que les guérir, n’est pas une des moindres causes de la dépopulation actuele ;

Il paroît, M., par une note que vous avez mise au bas de la Lettre de M. Toutant-Beauregard, N° 38 d'une de vos Affiches, (1774) que vous voudriez réunir à votre Province la ville du Blanc, située sur la Riviere de Creuse, & coupée en deux portions par cette Riviere. La partie qui est de votre côté & que l'on appele la ville haute, est régie par la Coutume du Poitou, & porte par appel ses Causes à Montmorillon ; l'autre moitié appelée la ville basse, & régie par la Coutume du Berry, est du ressort de Châteauroux ; malgré toutes ces différences, l'une & l'autre portion sont constamment du Diocèse & de la Généralité de Bourges. Je voudrois bien pouvoir revendiquer également M. Dubrac de-la-Salle, dont il est parlé dans la même note, ainsi que dans une Lettre de M. Duboueix, Médecin de Clisson en Bretagne, même Affiche ; mais né à St Benoît-du-Saut, en Poitou, dans une famille honête & distinguée, il s'est fixé depuis plusieurs années en la ville du Blanc, où il exerce avec honeur la profession de Médecin ;

A mesure, M., que je reçois vos Feuilles, je les communique à plusieurs de mes compatriotes, & je remarque avec plaisir qu'elles obtiennent de tous ceux qui les lisent, le suffrage qu'elles méritent. Il est vrai que je ne m'avise pas de les mettre entre les mains de tout le monde, & vous entendez, M., qu'elles sont les persones que j'exclus de ma confiance à cet égard ; mais je les donne à lire à des persones mûres qui sentent tout le prix d'un trait de bienfaisance, d'un projet louable, d'une découverte utile à l'Agriculture. Si c'est à cette classe d'hommes, qui compose, non la plus nombreuse, mais la plus saine patrie de la nation, que vous avez dessein de plaire, continuez, M., & soyez sûr du succès.

Suivant vos Feuilles, M., il paroit que les seigles du Poitou ont été plus endomagés par les vers que ceux des autres Provinces ; j'en ai fait moi-même la funeste expérience ; & toutes les fois que j'ai voulu voir les insectes qui causent ces dégâts, j'ai toujours constamment & invariablement trouvé auprès des grains ataqués, des especes de Teignes jaûnes, ayant environ six lignes de longueur & marchant sur leurs pieds avec beaucoup d'agilité ; je vous en envoie six ou sept afin que vous puissiez en juger ; dans ce nombre il y en a que j'ai conservé depuis le mois de Janvier, & quelques autres que j'ai trouvé tout récemment dans des tuyaux d'orge mondé ; car ces insectes continuent encore à ronger les grains, mais avec beaucoup moins de succès que dans l'hiver, parce que l'envelope qui couvre la tige est bien plus dure. Il y a des hivers où les fromens en sont très-endomagés ;

En vous indiquant, M. (Feuille du 4 Novembre 1773.) un remède contre la morsure des vipères, j'oubliai de vous observer qu'il faut, le premier jour, réitérer deux ou trois fois la dose du jus de Croisette, & renouveler soir & matin les cataplasmes jusquà parfaite guérison.
Je suis surpris de ce que, dans ces occasions, on ne s'adresse pas plus souvent aux Médecins & aux Chirurgiens : seroit-ce que la Médecine n'auroit point contre ce mal de spécifique certain, & que jusqu'à présent elle auroit dédaigné de se servir des méthodes simples dont quelques paysans font usage. J'ai dans ma campagne des gens qui guérissent non-seulement les persones mordues par des vipères, mais encore elles qui ont des charbons, des panaris : on se trouve très-bien de leurs remedes.

Suivant vos Feuilles, M., il paroit que les seigles du Poitou ont été plus endomagés par les vers que ceux des autres Provinces ; j'en ai fait moi-même la funeste expérience ; & toutes les fois que j'ai voulu voir les insectes qui causent ces dégâts, j'ai toujours constamment & invariablement trouvé auprès des grains ataqués, des especes de Teignes jaûnes, ayant environ six lignes de longueur & marchant sur leurs pieds avec beaucoup d'agilité ; je vous en envoie six ou sept afin que vous puissiez en juger ; dans ce nombre il y en a que j'ai conservé depuis le mois de Janvier, & quelques autres que j'ai trouvé tout récemment dans des tuyaux d'orge mondé ; car ces insectes continuent encore à ronger les grains, mais avec beaucoup moins de succès que dans l'hiver, parce que l'envelope qui couvre la tige est bien plus dure. Il y a des hivers où les fromens en sont très-endomagés ;

Le dernier quart du 18ème siècle, période précédant la Révolution, a été nommé Siècle des Lumières, avec des personnages tels Voltaire, Rousseau, (morts en 78), Buffon, Diderot et d'Alembert, et bien d'autres. Je me propose de vous faire découvrir, à travers sa correspondance adressée aux Affiches du Poitou entre 1773 et 1780, un personnage que je pense représentatif de l'esprit de cette époque, par sa curiosité et son éclectisme.
Il s'agit de Denis Robin de Scévole, qui signe « Secrétaire du Roi, à Argenton », dont je vous renvoie à la biographie sur Wikipedia.