Extraits des Affiches du Poitou

Champdeniers

Mémoire sur Champdeniers.

C'est un des plus grôs Bourgs du Poitou, il est situé au 17e degré 14 min. de longit. ; & au 46e degré 27 min. de latit. ; ayant à l'est, la ville de St-Maixant, dont il est distant de 3 lieues ; au sud, Nyort, aussi à 3 lieues ; à l'ouest, Fontenay-le-Comte, à 6 lieues ; au nord, Partenay, à 5 lieues. Il est de l'Archiprêtré de St-Maixant ; de l'Election de Nyort & du Ressort de Partenay. Son nom Latin dans d'ancienes chartes est Campodenarium, ou Campidenarium ; il semble que suivant l'étymologie de plusieurs noms de lieux, tirés de la basse Latinité, ce devroit être Campusdenariorum.

Dans les anciens actes il porte le nom de ville ; ses abords conservent même encore leurs anciens noms de portes ou barieres ; on s'y souvient aussi d'un jeu de paume ; d'une salle d'armes ; &c. noms de décoration dont les masures n'offrent présentement rien moins que les apparences. La tradition porte que ce Bourg étoit autrefois beaucoup plus considérable qu'il n'est, & qu'il y avoit un Hôtel-de-Ville ; mais dans la vérité, il n'a actuélement ni les attributs ni les privilèges d'une ville. Il y a un Syndic ; M. de la Verdy, Contrôleur Général, décida en 1766, qu'il devoit s'en contenter comme ci-devant, quoiqu'on lui proposât d'y faire nommer un Maire & former un Corps Municipal. Il est assujéti au don gratuit, que l'on nomme maintenant les droits réservés, & aux droits d'entrées journalieres des vins, eaux-de-vie, boissons & boucheries ; s'il y a quelques octrois, ils sont touchés ou par le Bureau des Aides, ou par le Seigneur du lieu. Comme il n'y a point d'Hôpital, celui qui tient la Boucherie de Carème, donne à la Fabrique une modique somme de 50 s ou 3 #, & moyenant cette petite générosité, il a le privilège exclusif de vendre pendant le Carême de la viande à ceux qui lui en demandent. On trouve à Champdeniers toutes les marchandises & denrées que l'on trouve dans le villes ordinaires du Poitou, peut-être même plus abondament. Il y a même plusieurs villes de cette Province qui ne valent pas Champdeniers.
Ce Bourg mal à propos qualifié de Marquisat par quelques Dictionaires Géographiques, est une Châtelenie, qui a anciénement & pendant long-temps apartenu à de grands Seigneurs, notamment à la maison de Rochechouart & à celle de Longueville. Je serois même tenté de croire que c'est à cette premiere, qui est une des plus ancienes & des plus illustres du Royaume, qu'il doit son origine; son territoire, quoique fort réserré, contient plusieurs fiefs & arriere-fiefs. M. Brochard, Seigneur de la Roche-de-Surin, appelé Marquis de la Roche-Brochard, y possède le principal, du chef de Dame Bellenger, son épouse, & se qualifie Seigneur Haut-Justicier de Champdeniers. Le Chapître de la Rochelle, auquel le Prieuré simple de ce lieu a été réuni, il y a environ 80 ans, prétend aussi la qualité de Haut-Justicier du Prieuré, qui est un membre de l'Abbaye de Maillezais d'où il releve immédiatement. L'Abbé des Bois ; celui d'Allonne ; le Commandeur ou Prieur de la Lande ; le Seigneur de Neuchèze, celui de Puyraveau, & plusieurs Seigneurs ou particuliers y possèdent aussi des fiefs ou arriere-fiefs qui leur donnent des droits assez singuliers.
La situation de Champdeniers est agréable & avantageuse ; il est bâti sur une éminence, en forme d'amphitéatre, dont la pente a son aspect entre l'orient & le midi ; il est entouré d'excellentes prairies coupées par plusieurs ruisseaux, dont le plus considérable se nomme l'Aigrie, & fait tourner quelques moulins, avant de se perdre dans la Sévre Nyortoise après un cours d'environ 3 lieues. L'air y est très-salutaire, aussi s'y trouve-t-il beaucoup de vieillards qui passent 80 ans, d'un Jugement sain & d'une santé robuste. Le lieu est fort peuplé pour son étendue, qui forme à peu près un quarré long, dont le circuit peut être de cinq à six cents pas Géométriques, divisé dans sa longueur du nord au midi, en trois rues principales, traversées dans sa largeur de l'orient à l'occident par quatre autres principales rues, sans y comprendre plusieurs autres petites rues ou venelles, qui conduisent aux halles ou à la place ou à la grande rue qui est la plus droite & la plus peuplée. Ainsi on voit que Champdeniers est bâti plus régulièrement que ne le sont les Bourgs ordinaires, & même plusieurs villes de cette Province. On n'y trouve pas une seule maison vacante ; aussi les loyers y sont-ils très-chers. On compte dans le Bourg 12 à 1300 persones de tout sexe & de tout âge, dont près de 800 communians, sans compter les habitans de la campagne. (La suite à l'Ordinaire prochain.)
ADP, n° 23, du 9 juin 1774, page 98

Suite du Mémoire sur Champdeniers.

Il n'y a dans ce Bourg qu'une Eglise Paroissiale dont le vaisseau est beau, vaste, bien éclairé, voûté en entier, & soutenu par 12 piliers assez délicatement construits. Ony dessert deux Chapelles ou Stipendies qui en dépendent. On soupçone que cet édifice a été construit vers le commencement du onzieme siecle, & qu'il y avoit autrefois de Bénédictins, comme à l'Abbaye de Maillezais. On voit les armoiries de la Maison de Rochechouart, à la clef de la voûte du Sanctuaire. L'Eglise est sous l'invocation de la Sainte Vierge, dont la Statue, de grandeur humaine, est un chef-d'oeuvre, ainsi que le Christ qui sépare le Chœur de la Nef. La Fête Patronale est l'Assomption de Notre-Dame. Il y avoit autrefois beaucoup de Reliques, & une Confrairie du St Sacrement ; les Confreres étoient des Prêtres portant le nom de Bâtoniers ; ces Reliques & les titres de ces Bénéfices ont été vraisemblablement dissipés, dans les troubles de la Religion, au seizieme siecle, en telle sorte qu'il n'en reste plus rien. On voit dans le Sanctuaire un ancien Mausolée en pierre ; ils est probablement de quelques Seigneur du lieu, que l'on a représenté en guerrier couché, ayant un lion à ses pieds ; le chef en a été ôté il y a long-temps ; aucune inscription ne donne à connoître de qui peuvent être les cendres renfermées sous ce tombeau. Quelque solide que soit cette Eglise, qui n'avoit jamais été réparée depuis sa construction, le temps l'avoit cependant dégradée en bien des endroits ; elle commençoit à tomber dans un état déplorable ; les étrangers même en témoignoient leur surprise & leur regrets. Enfin on vient d'en achever les réparations les plus urgentes ; elle est aujourd'hui dans un état propre & décent ; elle est située au bas du Bourg, un peu enterrée à son entrée, à cause de l'inégalité du terrain. Il y avoit ci-devant tous les deux ans une Mission qui fut fondée en 1672 & 1678, elle n'a plus lieu depuis la suppression des Jésuites qui en étoient chargés ; le Clergé de cette Paroisse est seulement composé d'un Curé & d'un Vicaire, le Curé actuel est M. de Remigioux. (La suite à un autre Ordinaire.)
ADP, n° 24, du 16 juin 1774, page 103

Suite du Mémoire sur Champdeniers.

La place où se tienent les foires & marchés, est fort belle, quarée, située au haut du Bourg, en pente douce, & entourée de maisons qui sont presque toutes des auberges ; on en compte dans le Bourg 40, y compris les cabarets. Il y a de ces auberges qui ont jusqu'à 30 & 40 lits, & c'est encore trop peu pour les jours de foire ; on aborde à la place par 5 à 6 rues ou barieres ; les halles sont grandes & claires ; le minage est au bout, & au dessous sont la boucherie & la poissonerie ; les marchés y sont considérables, sur-tout depuis la Toussaint jusqu'à la Pentecôte ; les Cocassiers de la Rochelle, Nyort & environs, vienent enlever les provisions de bouche qui s'y rendent de toutes parts, sur-tour du côté de la Gastine, comme beure, fromage, œufs, volailles, gibier de toute espece & en abondance ; il apportent en échange du poisson de mer ou d'eau douce ; coquillage, oiseaux de riviere, &c. Les marchands de toiles, mousselines, étofes, quincaillerie, &c. étalent sous les halles ; les veaux, cochons, moutons, &c. se vendent sur la place. Le Seigneur du lieu a ses gardes ou autres agens préposés à chaque bariere du Bourg, pour y percevoir un droit d'entrée sur toutes les marchandises qui y abordent. Pour marque du paiement du droit, les Préposés font, avec de l'ocre ou du blanc d'Espagne, une bâre appelée le Marreau, sur l'habit des hommes, ou la couverte des femmes qui ont payé. Il y a aussi au minage un préposé qui préleve sur chaque boisseau de blé une petite mesure, que l'on évalue être la trente-deuxième partie du boisseau. Outre ces marchés, qui se tienent le Samedi de chaque semaine, il y a par an, sept Foires très-renomées, la 1ere, (Foire des Rois) le 15 Janvier ; la 2e, (Foire de la Mi-Carême) le Samedi devant la Mi-Carême ; la 3e, (Foire de l'Hosane) la veille des Rameaux. Elles sont excellentes pour les chevaux & la mulasse ; il y vient des marchands, de Touraine, Bretagne, Anjou, Normandie, Berry, Beauce, Auvergne, Gascogne, Dauphiné, & même d'Espagne. La 4e, le 28 Mai ; on y trouve chevaux, mulasse, bœufs, moutons, &c. & toutes sortes de marchandises ; la belle saison y atire beaucoup de monde ; la 5e, appelée la Grande Foire, le 22 Août, elle est principalement pour les bœufs ; la 6e, appelée la Petite Foire, le Samedi d'après la Nativité de la Ste Vierge, c'est aussi une foire à bœufs ; la 7, le Samedi d'après la St Martin, dont elle porte le nom ; elle est la moindre de toutes, quoiqu'on y trouve aussi de tout, mais en moindre quantité. Elles durent communément 3 jours, parce que l'on compte le jour de l'arivée & celui du départ, l'un veille, l'autre lendemain de la foire. Ces foires connues, même hors du Royaume, ne sont pas toutes indiquées dans l'Almanach Provincial du Poitou. Il arivoit à ces Foires, il y a quelques années, un accident qui leur auroit fait grand tort, s'il eût continué plus long temps. Toute la jeunesse de la mulasse s'agitoit à la fois ; ceux qui tenoient ce bétail par le licol, levoient le bâton pour le contenir ; il s'efrayoit au contraire davantage ; chaque bête se cabroit, échapoit à son maître, communiquoit sa peur & sa folie à sa voisine, & insensiblement la déroute devenoit générale ; tout le bétail étoit à l'épave ; il y eu souvent des persones renversées & estropiées. Le peuple ne manquoit pas d'atribuer cet accident au sortilege dont il acusoit certains marchands étrangers, auxquels il imputoit de causer se désordre pour avoir meilleur marché de la marchandise. On a rompu ce prétendu sortilege, qu'on nomoit le Brouillard, en faisant barer la place par des poteaux que l'on a plantés de distance en distance, & qui arrêtent le bétail qu'on y atache, & cet accident n'arive plus. (Ce Mémoire a été écrit au mois de Février dernier ; on a vu ci-devant dans une de nos Feuilles, que le même accident y est arivé depuis, & qu'il a eu lieu souvent dans d'autres foires du Poitou. Nous avons promis de publier quelque Lettres que nous avons reçue à cette ocasion.) La suite du Mémoire à un autre Ordinaire.
ADP, n° 25, du 23 juin 1774, page 107

Suite du Mémoire sur Champdeniers.

Le Palais est à un bout des Halles ; l'Audience se tient tous les Samedi qui sont les jours de marché ; le Corps de la Justice est composé d'un Sénéchal, d'un Procureur Fiscal, d'un Gréfier, de six à sept Procureurs qui sont en même temps Notaires de la Chêtélenie ; il y a outre cela (?) Notaires Royaux, deux Huissiers Royaux, & plusieurs Huissiers ou Sergens de la Terre. Il n'y a présentement aucune Maison de Noblesse dans le bourg, & très peu de Bourgeois ; presque tout y est marchand, fermier, aubergiste, ou artisan. Il y a un Bureau des Aides, composé d'un Receveur & d'un Contrôeleur ; la perception des droits réservés, est anexée à ce Bureau ; il y a aussi un Contrôleur des Actes, auquel sont confiées la distribution du Papier Marqué, ce qu'on appele Formule, & la Marque des Cuirs. Il n'y a point de Bureau de Poste ; un particulier de Nyort, qui vient aux marchés de Champdeniers, retire de la Poste de Nyort les lettres adressées à Champdeniers, & il se charge de porter au Bureau de Nyort les lettres qu'on lui remet à Champdeniers ; on lui donne pour sa peine un sol par lettre, au dessus de la taxe ordinaire. Ainsi on ne reçoit & on n'envoie ses lettres qu'une fois par semaine : ce qui est incommode & quelque-fois préjudiciable. Un Bureau de Poste établi à Champdeniers, seroit d'une grande utilité pour les environs, & la Ferme des Postes y trouveroit sûrement son compte ; on pouroit établir un Piéton ou Savate qui porteroit à Nyort & iroit y chercher les lettres deux fois par semaine, comme il y en a en plusieurs endroits. On désiroit l'année derniere dans les Affiches du Poitou un pareil établissement entre les villes de St-Maixant & Partenay ; ce service public n'est pas encore assez perfectioné dans cette Province. Il y a à Champdeniers une Brigade de Maréchaussée, composée d'un Sous-Brigadier & de deux Cavaliers ; ce n'est pas assez pour l'endroit ; un Cavalier de plus y seroit très-utile ; il se trouve des circonstances ou la Brigade actuele a de la peine à suffire au Service ; les autres Brigades sont éloignées ; il y a presque tous les jours des foires ou des assemblées dans le pays, la Maréchaussée s'y porte pour y maintenir le bon ordre ; & d'ailleurs Champdeniers est un grôs lieu. On y trouve de toutes les professions, libérales ou méchaniques, des marchands & artisans de toute espece, tels que l'on puisse, pour ainsi dire, s'imaginer, & qu'en présentent les plus grandes villes de la Province, & un très-grand nombre de voituriers. Les Menuisiers sur tout & les Séruriers y excellent dans leur Art ; ces derniers font aussi des fusils, pistolets & pendules ; les Tanneurs qui y sont en grand nombre, font un débit considérable de peaux, non seulement à Champdeniers, mais encore à Nyort, où ils en envoient en quantité les jours de foire de cette ville. Il y a deux moulins à écorce ; mais ils ne suffisent pas pour entretenir les Tanneurs, de la poudre de tan nécessaire à ces manufactures. ( La suite du Mémoire à un autre Ordinaire.)
ADP, n° 30, du 28 juillet 1774, page 129

Suite du Mémoire sur Champdeniers.

Il se consume, année commune, à Champdeniers, environ mille bariques de vin, que l'on fait venir de Saintonge. Autrefois les environs de ce bourg en fournissoient, & l'on n'en tiroit point d'ailleurs ; mais depuis plusieurs années on a négligé les vignes ; on les a ensuite arrachées, & on en a fait des près qui réussissent beaucoup mieux ; de sorte que le fourage y est très-commun. Aussi Champdeniers a t il été souvent un quartier pour de la Cavalerie ou des Dragons ; on y plaçoit une compagnie des Régimens dont les Etats-Majors étoient à Nyort : ce qui faisoit du bien au pays par la consommation des denrées & des foins. Il n'y a point eu de troupes depuis 1763, quoiqu'il y en ait eu constament & qu'il y en ait encore à Nyort & St-Maixant. La paroisse de Champdeniers n'est pas fort étendue dans la campagne ; il n'y a que 12 à 13 métairies, plusieurs borderies & quelques moulins ; la moitié de la paroisse est en plaine du côté de Nyort ; l'autre moitié est en Gastine du côté de Partenay. Les chemins y sont impraticables pour les charetes pendant l'hiver ; ce qui rend les voitures impossibles dans cette saison & fort difficiles en tout autre temps ; aussi sont-elles fort cheres. Un toneau de vin coûte en hiver 30 # à faie rendre de Nyort à Champdeniers, quoique ce soit en plaine ; les foins, les gerbes de blé, le bois, les fumiers, la pierre même & le sâble pour bâtir, se voiturent dans les environs de ce bourg sur des chevaux, parce que les charetes n'y roulent qu'avec beaucoup de peine à cause de l'inégalité du terrain & qu'il faut toujours monter pour ariver au bourg. Si l'on pratiquoit une grande route bien pavée depuis Nyort jusqu'à Champdeniers & delà jusqu'à Partenay, ce qui fait une longueur de huit lieues, cet endroit deviendroit encore plus commerçant ; il auroit des relations faciles & avantageuses avec la Rochelle & tous les lieux de la même route, ainsi qu'avec Saumur & toutes les villes circonvoines de ce passage ; ajoutez que les étrangers viendroient encore en plus grand nombre aux foires d'hiver, parce qu'ils ne craindroient plus les mauvais chemins. Par ce moyen Champdeniers se grôssiroit de jour en jour, & tous les lieux qui l'entourent en profiteroient ; une plus grande population, fruit de l'aisance, de l'activité & des communications, étendant, multipliant & favorisant à la fois l'agriculture, l'industrie & le commerce ; la route seroit même bien plus courte & plus commode pour aller de Nyort à Partenay & au delà ; & ces deux villes, Partenay sur-tout, y trouveroient leur avantage. ( La suite à l'Ordinaire prochain.)
ADP, n° 31, du 4 août 1774, page 135

Suite du Mémoire sur Champdeniers.

On recueille dans la plaine, du froment, de la baillarge, de l'orge, de la garobe selon le terme du pays, c'est-à-dire de la vesce ; du mil, quelques pois ronds, assez de pois de mai ou haricots, autrement mogettes ; du lin, du chanvre, des noix, point d'amandes, assez de cerises & autres hauts fruits. La Gastine donne du seigle, de l'avoine, du blé noir ou sarrasin, du garouil, du bois, du charbon, pommes & poires franches ou sauvages, cerises, néfles, chataignes, glands, beaucoup de noisettes, &c. Le gibier y est abondant & de bonne qualité, sur-tout en perdrix rouges & grises, râles de genet, becasses, lievres, lapins, &c. On y trouve aussi de la bête fauve ; les loups y font quelquefois de grands ravages : il seroit à propos d'en faire la chasse de temps en temps ; les étangs y sont communs & fournissent d'assez bon poisson, on les pêche trop souvent ; le terrain est fort propre, sur-tout dans la plaine, pour le jardinage ; les légumes, ainsi que les fruits, y sont précoces & d'un fort bon goût. Les terres à blé, de la Gastine, sont d'une culture très-pénible ; on est quelquefois obligé de mettre 6 à 8 bœufs sur une charue ; cette difficulté du labourage provient non seulement de la pesanteur des terres, mais encore des racines d'agéons & genets qui couvrent les champs dès qu'on cesse de les cultiver : car on ensemence ordinairement une piece de terre pendant six à sept ans de suite avec très-peu de labour ; après quoi on la laisse reposer pendant plusieurs années. Pendant ce repos elle devient pâtis, & prépare une récolte de fagots de grands genets ou agéons, & sert en outre de pâcage au bétail. C'est dans ces pâtis, qui sont en très-grand nombre en Gastine, ainsi que les prairies, que l'on éleve la mulace, les chevaux, bœufs & moutons qui garnissent nos foires : & c'est-là la principale ressource des habitans de la Gastine ; car en général ils ne recueuillent pas assez de blé pour se nourir. La suite à l'Ordinaire prochain.
ADP, n° 32, du 11 août 1774, page 139

Suite du Mémoire sur Champdeniers.

Il y a à Champdeniers deux sortes de mesures de grains, quoiqu'il n'y ait qu'un boisseau ; la mesure marchande quand on vent le blé au détail, est d'un huitieme plus grande que le boisseau ordinaire : c'est-à-dire, que celui qui vend un, deux ou trois boisseaux de blé, est obligé de fournir par chaque boisseau ras, une mesure de plus ; & cette mesure est la huitieme partie du boisseau ras. On se sert du boisseau ras pour les rentes, à moins qu'il ne soit stipulé autrement dans les titres des Seigneurs ou Propriétaires. On s'en sert aussi pour vendre à pochée, à fourniture & à toneau ; la pochée est de cinq boisseaux & demi, ras ; la fourniture est de 22 boisseaux ras ; le toneau est de 55 boisseaux ras ; mais on ne paye la pochée que sur le pied de cinq boisseaux, la fourniture que sur le pied de 20 boisseaux, & le toneau que sur le pied de 50 boisseaux. Il s'ensuit delà que le boisseau marchand est plus grand que le boisseau ras, d'un huitieme en sus ; & que celui qui vend à pochée, fourniture ou toneau, à plus de profit que s'il vendoit tout son blé au boisseau marchand : car pour la pochée on ne donne que cinq boisseaux & demis, ras, ou cinq boisseaux & cinq mesures. De même celui qui vend à fourniture, ne donne que 22 boisseaux ras, au lieu qu'au boisseau marchand il donneroit 20 boisseaux & 20 mesures, ce qui feroit 22 boisseaux & demi. Enfin celui qui vend à toneau, ne donne que 55 boisseaux ras, au lieu qu'au boisseau marchand il donneroit 50 boisseaux & 50 mesures, ce qui feroit 56 boisseaux & 2 mesures. Toutes ces différences sont un objet digne d'attention sur une certaine quantité ; on a fait peser, en Février 1774, différentes sortes de grains pour savoir au juste le poids du boisseau de Champdeniers ; le froment pesoit de 45 à 46 liv., boisseau ras ; par conséquent le boisseau marchand pesoit de 49 à 50, ainsi des autres grains ; le seigle pesoit 44 liv.,la méture 40, la baillarge 39.
ADP, n° 33, du 18 août 1774, page 143

Fin du Mémoire sur Champdeniers.

Le Seigneur de Champdeniers se faisoit ci-devant servir d'un droit assez singulier ; tous les mariés de l'année dans la paroisse lui donnoient une triple courone composée de rubans & de fleurs artificieles d'Italie ; on nommoit cette courone un Chapelet, qui étoit évalué à 3 l 10 r. Ceux qui n'étoient que publiés dans la paroisse, ou qui y venoient d'ailleurs mariés, ne devoient que dix sols. Les jeunes Prêtres de la paroisse étoient assujetis au même droit ; mais ce droit est tombé depuis quelques années, soit par le défaut d'authenticité des titres, soit par l'abus qui s'étoit glissé dans la maniere de l'exiger. Il y avoit aussi autrefois une espece de Bachelerie, qui étoit une Fête continuele depuis le Jeûdi-Gras jusqu'au Mardi-Gras. Tous les nouveaux mariés se rassembloient lestement habillés, en veste, sans armes ni bâtons ; ils mettoient chacun quelque piece de vaissele d'étain en dépôt ; delà on alloit dans un pré qui porte encore le nom de pré de l'Eteuf : là des Bacheliers portoient un drapeau ou étendart, avec lequel ils faisoient un cercle dans le milieu de ce pré ; le plus ancien des nouveaux mariés avoit à la main une pelote couverte de velours cramoisi, garnie de petits cloux dorés & de plusieurs rubans de différentes couleurs. Il jetoit trois fois dans le cercle tracé cette pelote qu'on nommoit l'Eteuf ; alors tous se mettoient à courir ; le plus agile qui pouvoit l'atteindre & l'apporter sur la place du marché, étoit le Roi de la Bachelerie, s'il étoit du nombre des nouveaux mariés ; s'il étoit des anciens mariés, il gagnoit la vaissele d'étain que l'on avoit déposée ; mais il étoit difficile d'apporter l'Eteuf jusque sur la place, parce que parmi ceux qui n'avoient pu l'atteindre à la course, il s'en trouvoit qui tâchoient de prendre le devant pour arrêter en chemin celui qui s'en étoit rendu maître & tâcher de le lui enlever ; alors on se batoit, le plus fort ou le plus adroit s'emparoit de la pelote, ensuite tous les Bacheliers se rendoient auprès du vainqueur, en faisoient u Roi & le conduisoient en triomphe dans le bourg ; il y avoit toujours quelques instrumens de musique ; on donnoit des aubades dans toutes les rues ; on s'arrêtoit particulièrement devant des maisons qui étoient chargées de certaines redevances envers ce Roi, comme de confitures, de vin, &c. Ces Fêtes ne se passoient gueres paisiblement, il s'y introduisoit toujours un peu de licence ; il arivoit souvent des accidens, suite naturele des quereles. Le Juge du lieu qui s'y étoit transporté pour mettre de l'ordre, y fut même une fois insultéé. Toutes ces considérations ont fait supprimer la Bachelerie de l'Eteuf ; elle est tombée depuis environs 20 ans.
ADP, n° 34, du 25 août 1774, page 147