Extraits du Portefeuille des Dames
La fête des époux
Variétés
La fête des époux a été célébrée avec beaucoup de pompe ; l'autel de l'hymenée était placé au milieu de la salle décadaire ; des fleurs et des fruits étaient l'heureux emblème des divers genres de félicité qu'offre dans l'union conjugale l'amour à la vertu. Les bustes des épouses les plus illustres dans l'histoire, peints de la main du professeur de dessein (sic) près l'école centrale, étaient placés autour. Tant de mères qui font les délices de leur ménage et l'ornement de la société, y eussent reçu des hommages, et le citoyen vertueux, impatient de les y applaudir, reprochait à un grand nombre leur absence.
PfD N° 5, 20 Floréal an 7, p. 2 du supp.
Commentaire : Je crains, à la lecture des derniers mots, que la condition conjugale ne faisait pas le bonheur de tous.
A vendre
La maison chef-lieu de Comporté, située entre Ruffec et Civrai, sur la Charente, consitante en un superbe et spacieux corps-de-logis bâti à la moderne, bâtimens ruraux, etc., etc. Plus une auberge sur la grande route de Civrai, 70 boisselées de près, 87 boisselées de bois, 7 boisselées de vigne, un beau jardin bien meublé d'excellens arbres fruitiers, qui, avec l'enclos, contient 14 boisselées mesure de Civrai. S'adresser, pour le prix et les conditions, au citoyen Celtors, en ladite maison de Comporté.
PfD N° 8, 20 Prairial an 7, p. 2 du supp.
Commentaire : C'est où ?
L'enfant perdu
AVIS
On réclame, pour le légitimer, un enfant mâle, que l'on croit être chez un marchand de cette ville en qualité de facteur. Cet enfant fut mis à la boîte à Saintes, dans le cours du mois de novembre 1782, ou le 3 octobre même année (cette dernière date est plus certaine) ; il doit se nommer Elie. Il fut déposé à la dite boîte, entouré de trois aunes de laveur couleur rose, pour marque distinctive. Le père et la mère sont mariés ensemble, n'ont point d'enfans depuis leur mariage, et jouissent d'une fortune honnête. Le père est notaire public. S'adresser au citoyen Vallantin, marchand à Poitiers, rue des ci-devant Cordeliers, qui donnera tous les renseignemens nécessaires.
PfD N° 8, 20 Prairial an 7, p. 2 du supp.
Commentaire : Que fait-on ? On rit, ou on pleure ? Même un notaire aisé met son enfant unique à l'hospice ! Quelle histoire familiale se cache dans cette annonce ?
Extraits des Affiches du Poitou
Trépanation bovine
Extrait d'une Lettre écrite de Réaumur.
Je crois, M., devoir vous faire part d'un fait assez extraordinaire, qui intéresse l'économie rustique, & dont j'ai été témoin. Il s'agit d'une opération singuliere faite à un veau d'un an, attaqué de vertige depuis trois semaines. Cet animal ne pouvoit manquer de périr ; il maigrissoit à vue d'œil, sa tête étoit pesante, il tournoit fréquemement, avoit des isntatns convulsifs & tomboit quelquefois. Cette maladie étoit connue ; peut être que le remede qu'on vient d'y opposer avec succès, est connu dans d'autres contrées ; peut-être a-t-il été enseigné par nos Ecrivains vétérinaires & pratiqué par leurs élèves ; mais peut-être aussui est-il ignoré de quelques-uns de vos Lecteurs. Vous rendrez service à la société, en le publiant dans votre Feuillle, destinée à répandre dans cette Province des connoissances utiles. On commence par jeter l'animal à terre, si on ne prend pas le moment où il est tombé ; on s'en rend maître, on le tient dans l'attitude naturelle à un veau couché dans l'étable, ayant ses jambes sous lui ; sa tête est droite ; ensuite on la lui perce avec une petite tariere au milieu du front, environ deux pouces en dessous de l'encornure. L'opérateur s'arrète dès qu'il apperçoit suinter un peu d'eau ; aussitôt il y introduit prudemment une espece d'aiguille de bois leger, terminée par un crochet ; il tourne cette aiguile, jusqu'à ce qu'il sente qu'il accroche quelque chose ; il tire doucement, & il amene une petite poche, dans laquelle on trouve des vers naissants, ayant la forme, la couleur & la consistance de cette ordure que les mouches déposent sur la viande, & qui précipite sa corruption. Ensuite on met de la poix sur la plaie, un linge & une petite latte que l'on serre bien avec une corde, & que l'on laisse quelque temps ; l'animal est soulagé sur le champ & se trouve bientôt guéri. Quelques personnes rasent le poil autour de la plaie pour que la compresse s'applique mieux ; cela est inutile & fait tort à la vente ; on soupçonne que l'animal a eu cette espece de trépan, qui s'appelle « Everter ». J'ai vu faire deux fois cette opération depuis six mois, par un nommé Marquis, paysan, de la Paroisse de Chavagne-Enparais, à trois lieues de ce bourg. Une pareille expérience devroit être suivie & étudiée. J'ajoute que chaque fois, il n'est pas sorti une goutte de sang.
Affiches du Poitou, n° 17, du 29 avril 1773, page 67
Le Plisson du Poitou
Note pour les Friands.
Notre Province fournit aussi un article à l'Art Culinaire ; l'Encyclopédie veut bien le citer d'après le Dictionnaire de Trévoux, & nous allons le consigner dans notre Feuille.
Plisson de Poitou. « C'est un mets fort délicat, qui se fait avec du lait & de la crème. On prend une pinte de crème nouvele que l'on mêle avec une terrinée de lait frais tiré ; le tout bien remué on le laisse reposer quelques heures dans un lieu frais, puis on le met sur le feu pendant une demi-heure sans bouillir & on le remet encore au frais pendant trois heures. Ensuite on le met sur le feu un bon quart d'heure, puis on le fait refroidir pendant trois heures ; après cela on le remet un quart d'heure sur le feu, d'où on le retire pour le laisser refroidir. Pour lors il se forme un plisson dessus, épais de trois doigts ; on le leve & on le saupoudre de sucre. Il faut pendre garde, dans toutes ces opérations, de les faire si promptement, que le plisson qui forme ne se rompe pas en remuant la terrine. Voilà ce qu'on appele Plisson de Poitou. »
Affiches du Poitou, n° 18 & 19, du 6 Mai 1779, page 71
Le généreux curé
Exemple louable de désintéressement & de générosité.
Un Ecclésiastique n'ayant pour tout bien que le revenu très-modique d'une Cure de la campagne, dont il est titulaire, à lieues de Châtelleraud, avoit à répéter contre un particulier de la même Ville plusieurs années d'arérages d'une rente fonciere ou légat dû par lui à sa Cure. Après plusieurs demandes amiables infructueuses, le Curé est obligé d'en venir à une demande Judiciaire. L'assignation donnée fut suivie lentement, le débiteur promettoit souvent de payer. Après cinq ans de patience & de délai, le créancier obtient Sentence & fait exécuter le débiteur. Celui-ci dans cet intervalle étoit devenu paroissien de son créancier ; pour éviter l'enlèvement de ses meubles, il paye les frais de l'exécution entre les mains du porteur de pieces, & va offrir à M. le Curé le principal de sa dette en lui demandant remise des intérêtes. Ces deux objets formoient une somme d'environ 82 #. M. le Curé est ému de sa situation, & regrétant de lui avoir fait de la peine, quoiqu'il en eût le droit après tant d'indulgence, il lui fait remise & des intérêts & du principal. J'occupois pour M. le Curé dans cette afaire ; il me fit part sur le champ de son intention pour cesser les poursuites. Voilà la lettre qu'il m'a écrit à cette occasion ; elle montre son bon cœur & son désintèressement. Je vous prie, M., de la publier. Un procédé aussi généreux ne peut qu'inspirer beaucoup d'estime pour elui qui en est l'auteur. C'est étendre l'empire de la vertu que d'en annoncer des exemples
« Lorsque je commençai l'afaire, mon débiteur n'étoit ni mon voisin, ni mon paroissien ; il est aujourd'hui l'un & l'autre ; je lui dois des égards. J'ai été certainement plus fâché que lui du parti extrême qu'il m'a forcé de prendre, sur tout dans un temps où il avoit dû reconoître de ma part beaucoup d'honêteté & de modération. Aussi pour réparation, je lui fais le sacrifice de tout ce qu'il me doit jusqu'à ce moment. Je m'estimerai heureux si ce nouveau témoignagne de ma bonne volonté peut éfacer l'impression désagréable que cette exécution peut lui avoir donné contre moi mal-gré moi-même. Je souhaite que tous vos clients, en semblable cas, traitent aussi bien leurs débiteurs. »
(A Châtelleraud, 16 Avril 1778.) Signé, Faulcon de Marigny, Procureur à la Sénéchassée.
Affiches du Poitou, n° 18, du 30 Avril 1778, page 81
Bressuire
Mémoire sur la ville de Bressuire.
La ville de Bressuire n'est plus ce qu'elle a été autrefois. Cependant il est peu fair mention d'elle dans l'histoire. Je ne connois que Guyard de Berville, qui en parle dans l'histoire du célèbre Duguesclin, tome 2. page 302. Il dit qu'en 1371, elle étoit une ville très-considérable par le nombre & a richesse de ses habitants, par la bonté de ses fortifications & sur-tout du Château. Elle avoit un Gouverneur, une Garnison de 600 hommes, & soutint un Siege dans les formes ; les Anglois en étoient maîtres. Duguesclin la prit d'assaut & par escalade ; toute la Garnison fut passée au fil de l'épée ; la ville fut pillée par le soldat qui y fit un riche butin. Le Château craignant le même sort de la part d'un Général dont la valeur avoit comme enchaîné la victoire à la suite de ses armes, capitula & se rendit. Il étoit flanqué de proche en proche de bonnes Tours ; les restes qui en existent annoncent qu'il dut être aussi magnificque que bien fortifié.
Cependant la Tour ou Clocher de l'Eglise de Notre-Dame, est un monument remarquable dans cette Province ; son élévation, sa solidité, le fini de son travail, le font regarder par les connoisseurs, comme un morceau d'Architecture très-curieux, l'Eglise peut également attirer les regards. Elle est construite solidement, le Chœur en est beau, tout le vitrage est peint en entier, aucune figure n'est dégradée, la vivacité des couleurs est toujours la même. Il y a lieu de croire que l'Eglise et le Clocher ont été construits par les Anglois, qui ont possédé si longtemps cette contrée. On voit encore au pied de la Tour, une longue inscription, dont les caracteres sont tellement altérés, qu'il n'est pas possible de distinguer dans quelle langue elle fut écrite. Il y a aussi dans cette ville une paroisse dédiée à St Jean ; un Couvent de Cordeliers, un Couvent de Religieuses de l'Ordre de St François ; & un Hôpital. Elle est du Diocese de la Rochelle, & de l'Election de Thouars.
Les malheurs de la guerre, la misere des temps, les causes générales de dépopulation, ont réduit cette ville à un état de décadence très fâcheux. L'enceinte de ses murs, dont les rstes ne servent, avec de fréquentes réparations, qu'à assurer les deniers du tarif, rappelle toujours à nos regrets qu'elle fut capable de contenir une cité nombreuse. Je n'oserois par porter le nombre de ses habitants à trois mille ; il dut être au moins triple autrefois ; des jardins, des près, des champs, sont où étoient des maisons ; quelques-unes sont récemment écroulées & abandonnées ; d'autres sont inhabitées & subiront vraisemblablement le même sort. (Le reste à l'ordinaire prochain.)
ADP, n° 18, du 6 mai 1773, page 70
Fin du Mémoire sur la Ville de Bressuire.
La cause de cet abandon, de cette désertion est inconcevable ; il n'y a peut-être pas de ville en Poitou, où la vie soit à meilleur marché ; on y est logé très bourgeoisement pour 60, 70 à 80 # par an ; le pays produit toutes les denrées nécessaires ; les marchés sont bien fournis. Cette ville peut être regardée comme un des bons greniers du Poitou ; les Blatiers d'Oirvaud, Thouars, Argenton, St Varans, & de toutes les plaines des environs, y viennent touts les Jeudis, remplir nos Halles pour les besoins de la ville & de la campagne, & surtout de la partie du Bas-Poitou qui avoisine la Bretagne. Malgré ces moyens, malgré ces différents débouchés, on est étonné d'avoir vu depuis cinq ans le bled toujours un peu plus cher que dans les marchés voisins. Nos foires, au nombre de 9 par an, sont également bonnes, sur-tout pour le bétail à cornes, qui y abonde. Nos marchés, pendant plus de six mois de l'année, sont des especes de foires pour le même bétail ; les Vassaux du Seigneur ont été invités il y a quatre ans d'y en amener. L'utilité & la facilité de ces mêmes marchés, les ont comme naturellement institués, & y attirent successivement un plus grand nombre de vendeurs & d'acheteurs, Nous espérons que le bétail deviendra une des principales branches du commerce du pays ; lorsque l'Agriculture améliorée, encouragée, ajoutera à tous les moyens naturels qui peuvent la favoriser, en étendant tout ce qui y a rapport. Il se trouve aussi à ces foires, des chevaux & des cochons. Nous avions autrefois un grand nombre de métiers, où on faisoit une étoffe de laine sur fil, connue sous le nom de Tirtaine, qui sert au vêtement du peuple de la contrée, & que l'on porte au foires de Caen & de Guibrai ; cette manufacture est bien tombée sur la cherté des laines, sur-tout par une banqueroute considérable dans laquelle presque tous les fabriquants de la ville & des environs se sont trouvés enveloppés. Nous desirons fort qu'elle se rétablisse ; nous faisons les mêmes vœux pour voir augmenter le nombre des habitants, car la population ne peut résulter que du travail & de l'aisance qui le produit. Nous avons un College qui commence à y attirer quelques peres de familles, pour procurer, à de moindres frais, de l'éducation à leurs enfants. Ce College augment chaque jour la confiance & la considération dont il jouit depus long temps. C'est une ressource pour les Citoyens.
ADP, n° 19, du 13 mai 1773, page 74