Extraits des Affiches du Poitou

Les ivrognes Mœurs

ACCIDENT ET LECON
Un Laboureur d'un village de cette Province, entra il y a quelques jours dans un cabaret ; il étoit déjà un peu ivre, & il y but jusqu'au dernier excès ; voulant sortir de la chambre où il étoit, il tomba du haut d'un escalier & se tua ; on le porta sur un lit. Le Curé de la Paroisse, instruit de cet accident, confessa peu d'instant après, un particulier d'un village voisin, qui étoit dans l'habitude de s'enivrer, & qui ignoroit la mort tragique de cet ivrogne. Après avoir fait à son pénitent les réprimandes les plus vives, sur un vice aussi honteux, aussi avilissant, il le conduit sans lui dire pourquoi, au lit sur lequel étoit étendu ce cadavre couvert de sang & de vin ;

il ouvre tout à coup les rideaux, & continue du ton le plus pathétique son Exhortation. Cet homme fut si frappé de ce spectacle, qu'il pensa tomber à la renverse. Sa consternation annonça sa honte & ses remords ; il est à croire que le souvenir de cette scene pourra le corriger de son défaut. Il semble qu'on ne peut s'empêcher d'applaudir à l'action du Curé. L'exemple grave profondément le précepte dans le cœur ; un ancien Poëte l'a dit. Segniùs irritant animos demissa per aurem, quam quoe sunt oculis subjecta…. C'est ainsi que les Spartiates, employoient à la correction des mœurs, les Ilotes, esclaves étrangers dont ils faisoient beaucoup d'usage pour instruire la jeunesse, par la représentation des vices grossiers, comme l'ivrognerie même, dont ils vouloient la préserver. Heureusement ce vice est beaucoup moins commun qu'autrefois. On connoit l'Anecdote suivante ; Guy de Rochefort, premier Président du Parlement de Bourgogne, en 1489, pressé par le Procureur Général de la même Cour, de faire un Règlement pour empêcher les buvettes, répondit : Bibat herus, bibat hera ; bibat servus cum ancilla, & pro Rege & pro Papa ; bibant vinum sine aqua, & pro Papa & pro Rege, bibant vinum sine Lege.
ADP, n° 20, du 20 mai 1773, page 78
Commentaire :
Mon latin n'est pas assez bon pour la première citation, par contre la seconde est claire :
« Le maître boit, la maîtresse boit ; l'esclave boit avec la servante, et pour le roi et pour le pape ; ils boivent du vin sans eau, et pour le pape et pour le roi, ils boivent du vin sans loi. »
Mais après cette anecdote, j'ajouterai : « Nunc est NON bibendum » ! A la vôtre.

Drôle d'oeuf et perruches Zoologie Ste Hermine ; St Pierre d'Exideuil ; Civray ; La Rochelle

HISTOIRE NATURELLE
Une servante de maison, à St Hermine, en Bas-Poitou, faisant denierement la revue des nids de ses poules, trouva un œuf qui n'avoit pas eu le temps de se former ; une portion s'écrasa dans sa main ; le lieu étoit sombre, elle s'approche du jour pour le jeter dehors ; mais elle fut frappée de voir, que ce qui étoit écrasé, n'étoit qu'une partie adhérente à un autre œuf qui étoit resté entier. La curiosité la porta à examiner ce qu'elle venoit de jeter ; elle apperçut que cet œuf écrasé répandoit un jaune bien formé, bien coloré, qui étoit dans la membrane déchirée & attachée à l'autre œuf qui ne contient qu'un blanc ; ils sont séparés l'un de l'autre par une pellicule creuse ou canal qui communique de l'une à l'autre sphere, avec le germe qui passe du jaune au blanc par le moyen de cette pellicule creuse. La partie déchirée paroit avoir été aussi grosse que celle qui reste entière. On nous a fait remettre cet œuf singulier ; nous le montrerons bien volontiers aux personnes qui seront curieuses de le voir.
On voit au Château de la Bonardeliere, près Civray, un fait que nous croyons fort extraordinaire sous notre climat, une Perruche qui a pondu quatre œufs ; elle a, à la vérité, son mâle. Ces œufs ressemblent parfaitement à des œufs de pigeonne, & on se propose de les faire couver par une pigeonne même. Nous rendrons compte de l'issue qu'aura cette épreuve. Nous avons vu à la Rochelle, une petite Perruche du Sénégal, grosse comme un moineau, qui, sans mâle, a fait plusieurs œufs. Nous croyons même nous rappeller avoir donné deux de ces œufs à M. de la Faille, membre de l'Académie Royale des Belles-Lettres & de la société Royale d'Agriculture de la même ville, & Correspondant de l'Académie des Sciences de Paris, lequel a un Cabine d'Histoire Naturelle, peut-être le plus riche, le plus curieux & le mieux étendu qu'il y ait en Province, pour un particulier. Tous les étrangers qui passent à la Rochelle, s'empressent de voir ce Cabinet, & sont très-satisfaits quand ils l'on vu. M. de la Faille est reconnu pour un grand Naturaliste ; il est Auteur de plusieurs Mémoires, tant imprimés que manuscrits. M. d'Argenville, dans sa Conchiliologie, parle de lui avec éloge & reconnoissance, & avoue qu'il doit beaucoup à ses lumieres dans cette partie.
ADP, n° 20, du 20 mai 1773, page 79

Un agneau à deux têtes, la poule et le dindon

ZOOLOGIE
On écrit de Mortagne, en Bas-Poitou, qu'au mois de Février dernier, il est né dans la métairie du Bois-Chabot, près St-Laurent-sur-Sèvre, un Agneau ayant deux têtes bien formées, collées ensemble en position naturele, & présentant ainsi deux bouches, quatre ieux & seulement deux oreilles ; il n'a vécu qu'un jour.
On écrit des environs de Melle, qu'au Château de la Groix-de-Chail, une poule étant entrée dans une mue (cage) où on tenoit un dindon renfermé, & cette poule y ayant fait quelques œufs, on a remarqué que ce dindon se plaçoit sur les œufs, lorsque la poule s'absentoit. On y a mis d'autres œufs, & on a empêché la poule d'y revenir ; le dindon à continé de couver ; de 25 œufs, 22 ont réussi, & dans ce moment, le dindon conduit, affecione, & clousse les poulets qui en sont nés, comme feroit la poule elle-même.
ADP, n° 20, du 19 mai 1774, page 84

La mort du Roi

HISTOIRE
Extrait de la Gazette de France, du 13 Mai 1774.
Le Roi (LOUIS XV, dit le Bien-Aimé) est mort à Versaille le 10 de ce mois, âgé de 64 ans & 3 mois, moins cinq jours, étant né le 15 Février 1710. Son Regne qui a duré 59 ans, sera à jamais célèbre par le nombre de Victoires, par l'acquisition de la Lorraine ; l'établissement de l'Ecole Royale Militaire ; plusieurs Edifices consacrés à la Religion ; une grande quantité de Monumens publics ; des Routes ouvertes dans tout le Royaume pour la facilité du commerce ; enfin par une protection éclatante acordée aux Sciences & aux Arts. Au milieu de la douleur où la France est plongée, elle ne trouve de consolation que dans les vertus de son Auguste Successeur (LOUIS XVI,) & dans celles de la Princesse son Epouse (MARIE-ANTOINETTE, ARCHIDUCHESSE D'AUTRICHE) que le Ciel a destinée à faire le bonheur de la Nation.
ADP, n° 20, du 19 mai 1774, page 84