Extraits des Affiches du Poitou
Le Varech Industrie
Déclaration du Roi, du 30 Octobre 1772. Qui permet à tous Riverains des Côtes Maritimes de cueillir, ramasser & arracher le Varech. Cette Déclaration, qui indique la manière & les précautions convenables, a été adressée au Conseil Supérieur de Poitiers, où elle a été enregistrée le 5 Mai 1773. Le Varech est aussi connu sous les noms de Vraix, Sar ou Couesmon ; c'est le Fucus maritimus vesiculos habens de Tournefort. Cette herbe est propre aux engrais des terres, & à faire de la Soude si étroitement nécessaire à la fabrication des verres à vitres. Une Déclaration du Roi, du 30 Mai 1731, avoit prescrit des formalités très génantes pour la coupe de cette herbe ; elle l'avoit presque interdite, sous le prétexte qu'elle étoit regardée comme nécessaire au fray du poisson, au développement & à la nourriture du poisson du premier âge. Il a été reconnu par des Commissaires de l'Académie Royale des Sciences de Paris, envoyés sur les lieux, qu'il n'y avoit dans ces herbes ni fray, ni poisson du premier âge. On s'étoit encore faussement imaginé que la fumée du Varech, lorsqu'on le brûle, causoit des maladies Epidémiques, & nuisoit à toutes les especes de grains & de fruits. Depuis long temps on en fait de la Soude dans l'Amirauté de Cherbourg en Normandie. M. de Fontanes, Inspecteur des Manufactures de Nyort, Correspondant de la Société Royale d'Agriculture de la Rochelle, a essayé d'en faire sur les Côtes du Poitou, & il y a parfaitement réussi.
M. de Valmont de Bomare, dans son Dictionnaire d'Histoire Naturelle, enseigne la maniere de la préparer. On coupe l'herbe quant elle est en sa parfaite grandeur, & on la laisse sécher au Soleil comme le foin, on la met en gerbe, puis on la fait brûler sur des grilles de fer, & calciner dans de grands trous faits exprès dans la terre, & bouchés, ensorte qu'il n'y entre de l'air que pour entretenir le feu. La matiere se réduit non-seulement en cendres, mais comme elle calcinée pendant long-temps, par un feu de reverbere, allumé dans le fourneau souterrain, ses parties s'unissent & s'accrochent tellement les unes aux autres, qu'il s'en fait une espece de pierre fort dure, qu'on est obligé de casser avec des marteaux. Elle sert, comme on l'a dit, à faire le verre ; on l'emploie aussi à faire du savon, à dégraisser les étoffes, & dans plusieurs préparations chymiques.
ADP, n° 21, du 27 mai 1773, page 81
Le baptême tardif Mœurs Loudun ; Messemé
Lettre écrite de Loudun, le 7.
Vos Lecteurs, M., vont être étonnés au récit de la cérémonie suivante. Elle est rare, elle est peut-être unique ; elle s'est faite le 2 de ce mois, dans la paroisse de Messemé, près cette ville. Par quelques considérations qu'il est inutile de dire ici, M. Dujon, Lieutenant des vaisseaux du Roi, au Département de Brest, Capitaine d'Artillerie au Régiment de Bayonne, étoit parvenu à l'âge de 33 ans, sans qu'on lui eût suppléé la cérémonie du Baptême, qui vient de lui être administrée dans la plus grand pompe. On partit du Château de Messemé sur les deux heures de l'après midi, pour se rendre à l'Eglise Paroissiale. L'Adulte étoit monté sur un Char attellé de six chevaux pavoisés de blanc. Le cortege étoit composé de quatre autres carrosses ; toute la Noblesse du pays y étoit. On descendit à la porte de l'Eglise, où M. Chesneau, Curé, M. son Vicaire & plusieurs autres Ecclésiastiques l'attendoient. Il fut présenté aux Fonds Baptismaux par M. Dujon, Baron de Beauffay, son cousin germain, Capitaine de Grenadiers-Royaux au Régiment de Poitiers, qui fut son Parrain, & par Madame Dujon, sa petite niece, fille de feu M. le Marquis de Menou, Maréchal des Camps & Armées du Roi, qui fut sa Marraine. Le Parrain & le Filleul sont l'un et l'autre, Chevaliers de St Louis. Après la cérémonie ont revint dans le même ordre au Château, où il y eu une Fête.
ADP, n° 21, du 27 mai 1773, page 83
Messemé : BMS – 1749-1773, p. 98 :
L'an mil sept cent soixante treize le deuxième jour du mois de mai les cérémonies du Baptême ont été supplées par moi curé soussigné à messire Dujon chevalier Seigneur de St Hilaire, Lieutenant des vaissaux du Roi, capitaine d'artillerie de la Brigade de Bayonne au département de Brest, chevalier de l'ordre royal et militaire de St Louis fils légitime de feu messire François André Dujon chevalier Seigneur de St Hilaire ancien officier au régiment de Luxembourg et de feue dame Marie de Fournes son épouse, né à Candes en Tourraine le vingt sixième jour de juillet de l'année mil sept cent trente sept et ondoyé par le Sr Desrues curé du dit lieu le deuxième jour d'aout de la même année par permission de monseigneur l'archevêque de Tours, comme il appert par l'extrait des registres de la dite paroisse collationné et délivré par le sieur Petit curé dudit lieu et certifié par monsieur l'abbé de la Coste vicaire général de Tours en datte du trente juillet mil sept cent soixante six. Le parrain a été Messire Gabriel Jacques François Dujon, chevalier Seigneur Barron de Baussay, chevalier de l'ordre royal et militaire de St Louis, capitaine des grenadiers royaux au régiment de Poitiers et la marraine dame Elisabeth de Menou, épouse de Messire Armand Gabriel Charles Dujon chevalier Seigneur de Meveillé, officier au régiment de Royale Cravate, lesquels parrain et marraine ont imposé le nom de Pierre au dit Seigneur Dujon en présence de plusieurs de ses parens et amis soussignés et non. Le mot feu deux fois interligne de l'autre part approuvé.
Signatures : … de St Martin de Tours - Mondion de Messemé – Dujon Baron de Beaussay – Messemé de Lusignan – Illisible - … de Mondion – Beauregard de Ma.. – Messemé – Pierre Dujon – Mondion – Menon Dujon – Chemeau curé.
Les centenaires Mœurs Fontenay
Lettre écrite de Fontenay, le 7.
Marie Libaud, veuve en troisiemes noces de Jean Thouard, Meûnier, est morte, il y a peu de jours, âgée de 107 ans, au village du Gros-Noyer, paroisse Notre-Dame de cette ville. Elle a conservé jusqu'à ce moment sa raison & une assez bonne santé. Elle laisse trois enfants, dont une fille âgée de 70 ans. Elle alloit encore l'année derniere, dans cette saison, avec cette fille, ramasser de l'herbe dans les champs pour nourrir une vache. Notre ville & les environs fournissent un assez grand nombre de vieillards depuis 90 jusqu'à 100 ans. Je connois à une lieue d'ici deux centenaires, qui se visitent assez souvent, quoique résidents assez loin l'un de l'autre. Je m'entretiens quelquefois avec eux, & j'y prends du plaisir. Leur mémoire est une chronologie curieuse, bonne à consulter sur les anciennes mœurs de la campagne, qui ont bien changé. J'ai connu deux autres vieillards, mari & femme, qui ont vêcu ensemble pendant 73 ans, dans l'union la plus tendre & la plus honnête. Puissent tous les mariages être aussi heureux & d'aussi longue durée ! Cette vieillesse ne peut être attribué qu'à la bonne conduite, au travail de ceux qu'elle rend remarquables, & encore au bon air & aux bonnes eaux de cette contrée…
ADP, n° 21, du 27 mai 1773, page 84
Le Juge de Melle (J. de la Fontaine)
CONTE Melle
6e Lettre à un de mes corespondants.
De tous ceux qui ont lu les Œuvres de la Fontaine, il n'en est peut-être aucun qui ne croie que son joli Conte, intitulé « le Juge de Melle », est en entier le fruit de son imagination plaisante & ingénieuse ; le fond du Conte n'est cependant que le récit d'un fait réel. J'ai une copie de ce Jugement, qui a été faite sur un exemplaire imprimé qu'un de mes amis, Magistrat dans une ville de cette Province, possede dans son cabinet ; il a pour titre « Jugement des Buchette, rendu au Siege de Melle, le vingt-quatrieme Septembre 1644 ». Il paroît qu'effectivemnt un Juge de Melle, qui y est dénommé ainsi que les Parties, fit tirer celles-ci à la courte paile, ne sachant comment découvrir la vérité du fait dans leurs dénégations respectives, se défiant peut-être de la sincérité de l'une & de l'autre, & ne voulant pas apparemment exposer l'une d'elles au risque de faire un faux serment. Il craignoit de prononcer en faveur d'un fripon ; il préféra d'en charger le hasard ; il s'agissoit d'une pistole d'or d'Espagne de poids & trois pieces de treize sols six deniers legeres, qu'un particulier avoit présentées dans un cabaret pour en avoir la monoie en payant un écot de quatorze sols, & que la cabaretiere prétendoit n'avoir par retirées. Il faut que la Fontaine ait eu lui même une copie du Jugement, car la description faite dans son Conte est conforme au dispositif. Le Juge lui même tenoit les pailles entre ses doigts, & il fit jouer les Parties à croix & à ile à qui tireroit la premiere ; ce fut la cabaretiere qui gagna, & le Juge prononça en conséquence, déférant, dit-il, le Jugement de la Cause à la Providence Divine : on fit dans le temps ce Quatrain :
Barrole n'a rien fait qui vaille
……… en emporte le prix ;
Car par le moyen de la paille
Il n'a rien laissé d'indécis.
ADP, n° 21, du 26 mai 1774, page 91