...accusés d’être prédicant et lecteurs dans les assemblées de Nouveaux Convertis dans le Poitou

Contre Louis BUREAU

Au mois de Juillet mil sept cent neuf, Monsieur ROUJAULT, lors Intendant à Poitiers étant informé des désordres que commettait Louis BUREAU en assemblant et prêchant les Nouveaux Convertis, le fit emprisonner dans les prisons de Poitiers d’où il ne sortit que le sixième novembre mil sept cent douze après avoir fait abjuration de l’hérésie ; mais à peine fut-il sorti de prison que se jouant de son abjuration, il continua de faire des assemblées et de prêcher.

Au mois de Juillet mil sept cent dix sept, Monsieur de la Tour ayant été informé que BUREAU convoquait tous les dimanches des assemblées dans les lieux de la Couronne et Puymorin, situés entre les paroisse de Saint Martin de Pamproux, élection de Saint Maixent, Avon, et Bougon, dans lesquelles il prêchait, Monsieur de la Tour, donna ses ordres à Monsieur GUESBIN, Maire et Subdélégué à Lusignan de faire arrêter le dit BUREAU, ce qui fut exécuté le sept août mil sept cent sept dix sept et il fut conduit dans les prisons de la ville de Poitiers.
Le Sieur GIRAULT Subdélégué au dit Poitiers prit son interrogatoire par les mêmes ordres de Monsieur de la Tour. Il convint d’avoir fait abjuration pour sortir des prisons de Poitiers mais que n’ayant pu se persuader de faire son salut dans la Religion Catholique, il avait toujours rempli les devoirs d’un Religionnaire protestant, qu’il pratiquerait toute sa vie la même Religion et qu’il en faisait l’exercice soit dans sa maison avec sa femme et ses deux enfants, soit partout ailleurs où il se rencontrait, déniant au surplus d’avoir jamais assisté ni prêché à aucune assemblée et qu’il ne croyait pas même qu’il s’en fut fait. Le treizième Août mil sept cent dix sept, Monsieur de la Tour ordonna qu’il serait informé des faits contenus dans l’interrogatoire pardevant son subdélégué à Lusignan.
Le vingt troisième il fut fait une information dans laquelle il y a des présomptions violentes que le dit BUREAU prêchait dans les assemblées de la Couronne et de Piemorin, cela doit même être regardé comme un fait constant par ce qu’après la capture de BUREAU, il ne fut plus question d’assemblées dans les dits lieux.
Monsieur de la Tour, ayant été informé que le nommé BERTHELOT et autres convoquaient dans plusieurs endroits de la Province des assemblées dans lesquelles ils prêchaient, Son altesse Royale lui fit expédier un arrêt de subrogation au lieu de Richebourg pour continuer l’instruction même informée de nouveau contre le dit BUREAU, BERTHELOT et autres et les juger en dernier ressort avec faculté de subdéléguer pour l’instruction du procès.
Le sieur CHEBROU avocat du Roy au Siège Royal de Niort fut subdélégué par Monsieur de la Tour pour faire l’instruction du procès.
Dans l’information plusieurs témoins déposent que par bruit public et comme un fait certain, ils savent que Louis BUREAU a prêché dans les assemblées de Nouveaux Convertis.
Un témoin dépose affirmativement l’avoir vu prêcher il y a six ou sept ans dans plusieurs endroits qu’il dénomme, un autre dépose l’avoir vu au mois de juillet mil sept cent dix sept dans une assemblée qui se tenait près le village de l’Epine. BUREAU dans l’interrogatoire qu’il a rendu sur les charges qui sont contre lui pardevant le Sieur CHEBROU commence par déclarer qu’il est de la Religion P.R. qu’il avait abjuré la Religion Protestante pour sortir de prison et qu’il n’avait par ceci fait son salut dans la Religion catholique.
Etant interrogé sur les lieux où on l’avait vu prêcher il dénie avec audace d’y avoir jamais prêché ni assisté à aucune assemblée et ne connaître par même la meilleure partie des dits lieux.
A la confrontation après avoir eu la lecture de la déposition du témoin qui l’avait vu prêcher, et qu’il lui eut soutenu véritable, il ne pût s’empêcher de convenir d’avoir prêcher dans tous les endroits dénommés dans la déposition (et qu’il a déclaré dans son interrogatoire ne point connaître) il est vrai qu’il ajoute à sa reconnaissance que c’était avant son premier emprisonnement dans les prisons de Poitiers, où après avoir demeuré trois ans et quatre mois, le Roy étant satisfait de lui, il avait donné ses ordres pour le faire sortir, qu’ainsi on ne doit point lui imputer un crime qu’il a expié par trois ans quatre mois de prison et dont sa Majesté a été satisfaite.
Cette raison qui parait spécieuse le détruit parce que dans le temps qu’il fut emprisonné la première fois à Poitiers, il ne fut jamais justifié qu’il eut prêché. Cela est si vrai que dans tous ses interrogatoires, il a dénié formellement d’avoir assisté à aucune assemblée, et d’y avoir prêché, et il est convenu qu’après que le témoin le lui a eu soutenu à la confrontation, et dans l’interrogatoire qu’il a rendu par devant le Sieur GIRAULT, il a dit qu’il avait été condamné à trois mois de prison. Ce qui n’est pas la peine qu’on prononce contre le prédicant les trois mois de prison, ceux auxquels il fut condamné et pour autre cause et pour avoir inhumé un de ses enfants dans son jardin sans l’avoir présenté à l’église.
D’ailleurs en examinant la déposition du témoin, il est clair comme le jour que le dit BUREAU a prêché dans la dite assemblée depuis sa sortie de prison, puisque le témoin dépose seulement de six à sept ans et que le dit BUREAU était en prison dès mil sept cent neuf.
Néanmoins Monsieur de la Tour et les juges portés de commisération pour le dit BUREAU regardant comme quelque chose de dur de le condamner à mort, le témoin déposant de six à sept ans et Monsieur de RICHEBOURG n’ayant condamné qu’aux galères d’autres prédicants convaincu d’avoir nouvellement prêchés, on aurait pu dans les règles prononcer la dite peine des galères contre le dit BUREAU parce qu’on venait de condamner à mort le nommé MARTIN, autre prédicant, Monsieur de la Tour jugea même que l’exemple fait dans la personne de MARTIN serait suffisant pour contenir à l’avenir ces mutins dans leur devoir, dans cette vue il ordonna qu’il en serait plus amplement informé dans trois mois pendant lesquels il tiendrait prison. Monsieur de la Tour était de ne point suivre le procès au cas que le dit BUREAU donna des marques de repentir et d’être bon Catholique, que si au contraire il persévérait dans la désobéissance, et dans l’hérésie, l’intention était de reprendre le procès, et en supposant qu’on ne trouva par de nouvelles preuves sur les prêches, de le condamner à l’amende honorable et au bannissement perpétuel comme Relaps.


Contre Pierre GRANET

Pierre GRANET est un mauvais converti qui suit toutes les assemblées des protestants dont il est informé ; il donne retraite aux prédicants. C’est chez lui que Jean MICHEAU dans la profession était de venir de Gecsay en France débaucher les sujets du Roy pour les conduire en Angleterre, se retirait et où il fut arrêté.
Il est justifié après qu’il a assisté à plusieurs assemblées, lui-même en convient et que le jour que le nommé BONNET prêcha dans l’emplacement du temple de Melle, il passa et déjeuna chez lui, qu’il conduisit jusque dans le dit emplacement. Un témoin dépose qu’il avait vu GRANET faire la lecture dans la dite assemblée, une femme dépose que dans le temps que le prédicant monta en chaire pour prêcher, elle avait vu GRANET descendre de la dite chaire et qu’on lui avait dit qu’il venait de faire la lecture.
Le lieutenant général de Melle dépose qu’il avait vu le dit GRANET élevé au dessus des autres, ayant la tête nue, et que lui ayant crié : GRANET tu t’enrhumeras, il avait plié le col dans les épaules. Certainement avec ces dépositions et étant justifié qu’il avait retiré chez lui le prédicant et assisté aux assemblées, suivant la rigueur des ordonnances, il y avait lieu de le condamner aux galères.
Cependant les juges dans la pensée que la condamnation des galères prononcée contre NOUZILLE, aussi prédicant, était suffisante pour faire un exemple, Monsieur de la Tour ayant d’ailleurs des ordres particuliers de la Cour pour ne suivre le procès que contre les prédicants et les lecteurs, il jugea que la preuve que GRANET avait fait lecture, n’était pas assez complète, ce qui l’obligea d’ordonner à cet égard qu’il en serait plus amplement informé dans trois mois pendant lequel temps il tiendrait prison. Il donna ses ordres au Sieur CHEBROU de ne point suivre le procès contre GRANET, s’il voulait se convertir, et vivre en bon catholique, ce qu’il a toujours refusé de faire jusqu’à présent.
Dans la situation présente, y ayant un jugement de plus amplement informé, des deux particuliers ne peuvent être élargis sans un autre jugement qui les décharge de l’accusation, ainsi il faut prendre le parti ou de suivre le procès en continuant l’information en vertu du jugement rendu le vingt sept juin mil sept cent dix neuf ou le laisser. Si on suit l’information il se trouvera certainement des preuves plus que complètes contre l’un et l’autre. S’il fallait cinquante
témoins, comme GRANET a fait la lecture au prêche de Melle, on les trouverait mais sans entrer dans cette suite de procédures, le plus expédiente serait de les envoyer tous les deux à la Louisiane.
Si l’on veut faire suite du procès contre BUREAU, le placer sera nécessaire, parce qu’il y convient d’avoir assisté aux assemblées.

C 58
Archives dép. De la vienne

 

Info transmise par Marianne Leclère (Québec, Canada) :

Pierre Granet Meunier à Melle Deux Sèvres arrêté le 17 février 1719 en prison à Melle, ensuite à Niort4 ans, à la Rochelle jusqu'en 1726, déclaré inconvertible ne se prêtant à aucune instruction religieuse a été déporté au Canada prédisement à Quebec. Le 14 mai 1726 le ministre envoie ses instructions à Quebec recommandant qu'on ne l'emprisonne pas mais de le garder sous surveillance pour ne pas qu'il se sauve en Nouvelle Angleterre ou retourne en France. Finalement il se marie catholique.. le 1 août 1740 avec Marie Anne Harnois St Augustin Quebec.
Il décède le 17 juin 1750 à l'Hôtel Dieu de Quebec en bon catholique. Le Québec en sera venu à bout.