Je ne peux pas résister à mettre sur le forum l'extrait de presse sur lequel je viens de tomber.
Attention, c'est du patois de Mauprévoir, mais je pense que quelques uns (unes) d'entre vous se feront un plaisir d'en donner la traduction.
Je ne suis pas certain que les journaux actuels se permettraient de diffuser une telle lettre telle quelle ! Il n'empêche, le rédac-chef des Affiches a donné une recette.
Bonne lecture.
ADP, N° 49 du 5 décembre 1782, p. 194
Lettre de Gros-Jan, demeurant à Trépillé, Paroisse de Mauprévoir, près Civrai, à l'Auteur des Affiches.
Ve passez, mon ché Monsieu, dans not Velage pr'in grand conteux de varités, & pr'in garson pétri d'esprit & de marite. Les Papers que ve nous boutrez chaque semoine sont ine preuve certaine que v'en savez in pois pus d'ine nichée. Predonnez, y ve prie, si j'seux vaigu troubli vos pleizis & vos travoux. Y me seus avisi, d'après le canseil de tous les beas Messieux dos cantons, de vous faire part d'ine histaire bin triste pour nos pauvres vezins. Y ne fais ja trop si je peurai venir à bout de vous la conti. Arrive qui plant, vla trejou comme alle est.
Si o l'est premis de craire aux Sorcers, y crais, diabe m'enlève, qu'eil avont répondus de la meniguette sus tous nos chains. Dos dépis queuques années, o l'est in taux piti parmi nous, qu'ou foudra bintous s'anterri tot en vie. O lez bon de ve dire que j'avons jetis in foulas de persounes. L'an passi ine de nos fammes fut mordue, & alle enragit. O l'y a deux mois in jeune maraut fut mordu & li enragit étout. Lez chains enragis fasant enragi lous camarades ; les loups se sont mis de lous partie : je ne soumes pus en sûreti dans nos pouvres bâtimens ; o faut donc absolument ou quo l'y ait in fort la dessous, ou quelqu'autre chouse que j'avons poine à camprandre.
O vint de couri, sauf voutre respect, Monsieu, in Loup si beas & si vaillont, qui crais qu'uil était le père à tous lez autres ; quiou Loup était enragi, il a traversi trois ou quatre Paraisses, & a gâti chains, ouailles, moutons, bœux, véaux, poules, poulets, cannes, cannets, hommes & femmes, sans oublier le Sacristain d'ine Paraisse : o n'y eut jamais tant de grabuge dans in même endrait. Dos uns avont mis la malbite en dairoute, d'autres l'avont poursuivie la fourche au cul, & mas, Dieu marci, je l'ai attrapue sans couri & sans essuyer la mindre maux. Maugré tout ça le pus fort n'est pas fait. J'avons cinq à six presounes de connoissance qui sont dans de mauvais drap, & je tremblons nuit & jour pre lou fricassie. Je sommes en pays d'ignorance, j'arions bonne envie de vivre, mais ou faut crever faute de soulagement. Je vous demandons, mon ché Monsieu, à vous ou à vos bons amis, in remede pré détourai la rage & pr'en garir. J'espérons que ve serez sensible à nos malhours, & que ve voudrez bin nous instruire, sur-tout sans qu'ou l'ou coûte beacop, car la misaire est iquit comme par-tout ailleurs. Je nous félicitons aussi que ve voudrez placer qu'alle histaire au nombre des autres, parce que les avis que vous baillerez, sarviront pre toute la Provinc. Y seux, mon ché Monsieu, vout petit sarviteur.
Traduction de Claude MACHON
Vous passez mon cher monsieur, dans notre village, pour un grand conteur de vérités et pour un garçon pétri d’esprit et de mérite. Les papiers que vous nous mettez chaque semaine sont une preuve certaine que vous en avez un poids plus gros qu’une nichée. Pardonnez , je vous prie si je suis venu troubler vos plaisirs et vos travaux. Je me suis avisé d’après le conseil de tous les beaux messieurs des cantons, de vous faire part d’une histoire bien triste pour nos pauvres voisins. Je ne fais pas trop si je pouvait venir à bout de vous la conter Il arrivera ce qu’il pourra, voila toujours comme elle est :
S’il est permis de croire aux sorcières, je crois, le diable m’emporte qu’elles avaient répandu de la manigance sur tous nos chiens .Depuis quelques années, ça fait tellement pitié parmi nous qu’il faudra bientôt s’enterrer encore en vie. Il est bon de vous dire que j’ai enterré une foule de personnes. L’an passé, une de nos femmes fut mordue et elle devint enragée .Il y a deux mois, un enfant de chœur fut mordu et il fut enragé lui aussi. Les chiens enragés contaminaient leurs camarades, les loups se sont mis de la partie . Nous ne sommes plus en sureté dans nos pauvres batiments. Il faut donc absolument qu’il y ait quelque chose de fort la dessous ! ou quelque chose d’incompréhensible. Le bruit court que qu’un loup si beau et si vaillant , qu’on croit qu’il est le père de tous les autres. Ce loup était enragé, il a traversé trois ou quatre paroisses et Il a gâté les chiens, les brebis, les moutons, les bœufs, les vaux, les poules, les poulets, et les femmes sans oublier le sacristain d’une paroisse, il n’y eu jamais tant de grabuge dans un même lieu. Certains avaient mis la mauvaise bête en déroute, d’autres l’ont poursuivie avec une fourche et plus. Dieu merci, je l’ai attrapée sans courir et sans avoir le moindre mal. Malgré tout, le plus fort n’est pas fait. J’ai cinq à six personnes qui sont dans de mauvais draps et je tremble nuit et jour pour leur santé. Je suis dans l’ignorance, j’ai bien envie de vivre, mais je crains de crever faute de soulagement, aussi je vous demande , mon cher monsieur, à vous et à vos bons amis, un remède pour détourner la rage et pour en guérir. J’espère que vous serez sensible à nos malheurs et que vous voudrez bien nous instruire, surtout sans que ça coûte beaucoup car la misère est ici comme partout ailleurs. J’espère que vous voudrez bien placer cette histoire avec les autres parce que les avis que vous donnez serviront pour toute la province. Je suis cher monsieur, votre petit serviteur