Le Clain est sorti subitement de son lit d’ordinaire si paisible et ses eaux débordées ont atteint une hauteur considérable. Il faut se reporter à l’année 1840 pour trouver une crue semblable. Dans la nuit de lundi au mardi, vers 3 heures, les eaux ont commencé à s’élever et dès six heures du matin, tous les jardins qui bordent la rivière étaient couverts d’eau : les moulins, les usines, les maisons étaient inondés et le courant se précipitant avec violence entraînait des portes, des fenêtres, des bois, des bancs de jardins, des cabinets tout entier qui venaient s’abîmer sous les arches des ponts. Au pont Joubert une partie des arches sont couvertes et les autres n’offrent plus que quelques centimètres de vide entre les voûtes et la surface des eaux.
Le Clain se répand sur plusieurs points du boulevard où la circulation est interceptée ainsi que sur les chaussées de Cornet, des Gallois, etc. Le rez de chaussée des maisons qui s’y trouvent est inondé : on y mesure 60 centimètres d’eau environ.
A Saint-Cyprien, les eaux coulent sur le pont qui est complètement couvert.
Hier, mardi et toute la nuit dernière le niveau des eaux s’est maintenu ; et ce matin, on a remarqué un peu de baisse. La cessation de la pluie qui est tombée sans interruption depuis huit jours et qui a occasionné cette crue subite, permet d’espérer qu’on n’aura pas a déplorer de plus grands désastres.
Nous n’avons pas d’informations assez précises pour indiquer les pertes éprouvées, mais on sait déjà que sur tout le littoral de la rivière il y a eu des dégâts graves. A la papeterie de Saint-Benoist, un petit bâtiment aurait été emporté, des bois d’ouvrage approvisionnés auprès d’une scirie à Tison ont été enlevés et on nous assure qu’on a vu des chaises, des barriques, des tables et d’autres meubles entraînés par le courant.
Au Pont-Neuf, on signale une buanderie et une maison écroulées.
(Le Courrier de la Vienne et des Deux-Sèvres n° 259 du mercredi 2 novembre 1859)
Les pluies persistantes de ces derniers jours ont fait grossir tous les cours d’eau du département. Le bruit a couru ce matin que les ponts de Chauvigny et de Vivône avaient été emportés ; nous ne savons ce qu’il y a de vrai dans ce bruit. A Poitiers, le Clain a envahi tous les terrains qui le bordent, depuis les Gallois jusqu’au boulevard Bajon, qui sont complètement inondés. Du côté de l(Hôpital des Champs, l’eau s’avance jusqu’au bureau d’octroi. Depuis hier, la circulation est interceptée sur le pont Saint-Cyprien. La scierie mécanique de Tison est tout à fait submergée et une grande quantité de bois a été emportée par les eaux. Hier soir, vers cinq heures, une maison appartenant à Mme Pouvrasseau, buandière sur le pont St-Cyprien, a écroulé, et les meubles ainsi que beaucoup de linge appartenant à plusieurs propriétaires a été entraînée.
Au moment où nous mettons sous presse, l’eau commence à baisser, et il fait espérer que nous n’aurons pas à déplorer de nouveaux sinistres.
(Le Journal de la Vienne n° 259 du mercredi 2 novembre 1859)
Les eaux du Clain continuent à baisser, et la circulation sera bientôt rétablie sur les points qui avaient été envahis.
Rien n’est venu confirmer le bruit de la rupture des ponts de Chauvigny et Vivône.
La pluie qui n’a presque pas cessé depuis quelques jours a occasionné une crue générale de nos rivières ; la plupart des fontaines sont submergées, et l’eau qu’on y puise est peu appétissante ; nous pourrions dire, avec certaines personnes, qu’il y a autant à manger qu’à boire ! Force est d’en faire usage sous peine de mourir de soif !
(Le Journal de la Vienne n° 260 du jeudi 3 novembre 1859)
Lundi et mardi de la semaine dernière, les eaux de la Vienne ont atteint à Châtellerault une hauteur extraordinaire. Elles ont envahi les quais, sont entrées dans les caves et les rez de chaussée des maisons avoisinant les rivières, et se sont avancées jusque dans la rue Châteauneuf, interceptant ainsi toute communication entre la ville et le faubourg.
Jeudi, la rivière était rentrée dans son lit.
La crue ne s’est élevée qu’à 70 centimètres moins haut qu’en 1840.
On nous écrit de Montmorillon :
Lundi 31 octobre, vers les neuf heures du matin, après plusieurs jours de pluie accompagnés d’un vent furieux, la Gartempe est sortie de son lit ; les quartiers qui l’avoisinent étaient envahis, et l’on pouvait craindre quelque évènement fâcheux. Mais notre maire, dont la vigilance est toujours en éveil, avait déjà pris des mesures de sureté ; des bateaux avaient été disposées dans les rues submergées, et, grâce à cette prévoyance, les habitants resté dans leurs maisons ont eu des communications faciles avec le poste établi à la mairie, où se trouvaient, prêts à porter secours le maire, ses adjoints et les principaux fonctionnaires, aidés d’un détachement de pompiers et de la gendarmerie. On a veillé toute la nuit et la nuit suivante. Vers les onze heures de la première nuit, l’eau commençait à se retirer et faisait espérer que dans la journée de mardi tout serait terminé ; mais vers les 4 heures du matin, la crue a recommencé avec une violence extrême, et à 5 heures du soir elle avait atteint sa plus grande hauteur ; les jardins et les prés n’offraient plus aux regards qu’une vaste nappe d’eau ; enfin, quelques heures plus tard, le temps s’est rasséréné peu à peu, et la crue a cessé. Le lendemain la rivière était rentrée dans son lit. Jusqu’à présent aucun malheur ne nous est signalé. Tous ont rempli leur devoir dans cette circonstance.
On nous écrit de Savigné (Vienne), 4 novembre :
Le débordement de la Charente a emporté l’élégant pont de Savigné, construit en pierre d’Angoulême ; il présentait toutes les apparences de la solidité, mais il n’avait pas subi encore l’épreuve d’une inondation furieuse.
Le 1er novembre, vers minuit, le bourg et le voisinage ont été éveillés par un bruit qu’on a comparé à un coup de tonnerre. Le pont s’était affaissé sur lui-même et ses débris formaient une chaussée dans le lit du fleuve. On évalue la perte à 12.000 fr. C’est un grand malheur pour le pays et surtout pour la commune de Savigné ; partagée par la Charente sur une longueur de 7 kilomètres, elle avait fait d’héroïques sacrifices pour relier ses deux rives. Sur les plans de M. Duvignaud, ingénieur du chemin de fer, elle avait construit d’abord un pont en bois après avoir acheté par souscription les terrains nécessaires au chemin nouveau emporté par l’inondation de 1849. Plusieurs fois avarié, mais toujours réparé par la commune, il était pour elle un lourd fardeau, lorsque l’administration des chemins vicinaux se chargea de le construire en pierres à condition que la commune ferait une somme déterminée. La somme demandée fut votée par le Conseil municipal, qui se trouva ainsi débarrassé de toute responsabilité. Maintenant, nous attendons avec anxiété que le passage soit ouvert. On suppose que les fondements des piles ont été minés par l’érosion des eaux. Les deux culées sont intactes. Le pont n’est pas encore entièrement payé.
P.S. Le jour de la Toussaint, on n’a pu célébrer les offices dans l’église de Civray. L’église était inondée.
(Le Journal de la Vienne n° 264 du mardi 8 novembre 1859)
La rivière de Vienne est également en crue. On pense que le maximum a été de 2 m. 50 à Châtellerault et qu’il a eu lieu, le 6, vers six heures du matin
(Le Courrier de la Vienne et des Deux-Sèvres n° 265 du mercredi 9 novembre 1859)
On nous écrit de Civray :
La Charente, pour la seconde fois depuis moins d’un mois, vient d’inonder ses rives. Grossie par les pluies d’octobre, qui, cette année, ont été d’une abondance exceptionnelle, son lit s’est bientôt trouvé trop étroit pour contenir un torrent furieux formé par son cours d’eau lui-même et par tous les ruisseaux qui venaient se précipiter dans son sein. Aussi le 1er de ce mois, il y eu à Civray une véritable inondation : des rues ont été couvertes d’eau et transformées en canaux flottables ; presque toutes les maisons de la rue Basse, de la rue du Pont des Barres, de l’impasse de pont Perrain, de la rue Jean-Jacques Rousseau, du quartier de la Courtille, des hameaux de Roche Romansac et de la Blanchisserie, sont devenues inhabitables au rez de chaussée, où l’eau s’est élevée de 30centimètres à 1 mètre de hauteur, suivant le niveau des endroits indiqués.
Le presbytère n’a pas été plus épargné, ainsi que l’église, où le service divin n’a pu être célébré.
Malgré cette inondation étonnante, qui surpasse peut être celle qui, en 1844, nous avait emporté le pont des Barres, aucun évènement bien sinistre n’est venu affliger notre cité, dont les habitants ont pu tout à leur aise satisfaire une légitime curiosité et examiner successivement les phases progressives de la crue d’eau, qui n’a cessé d’augmenter depuis le 31 octobre , à 6 heures du soir, jusqu’au lendemain à la fin du jour. Il y a cependant eu des pertes matérielles assez regrettables, et notamment dans les caves inondées. Des matériaux, du bois, des engrais entraînés par les eaux ont également dû causer des dommages à leurs propriétaires.
Depuis cinq jours, la température a sensiblement varié. Le vent du nord-est a remplacé celui du sud, et aux pluies qui tombaient si malheureusement depuis près de trois semaines a succédé un temps magnifique, mais très froid ; quelques gelées ont même inauguré l’hiver. Grâce à l’influence de cette température, les rivières baissent sensiblement et ne causent plus aucune inquiétude. Mais en rentrant dans leur lit naturel, elles laissent voir aussi toute l’étendue des désastres causés par leur croissance subite. Tous les jours de nouveaux et affligeants détails nous arrivent de divers points du département. Notre pays qui, par la configuration de son sol, est ordinairement préservé de ce genre de sinistres, n’a pas été cette fois entièrement épargné. Bon nombre de moulins ont été emportés avec ce qu’ils contenaient, grains, farines, meubles, etc. et les bestiaux noyés. Dans quelques usines, n’ont pu se sauver qu’à l’aide de bateaux, et quelquefois en passant par la toiture. Des routes ont été en quelques endroits coupées, et plusieurs ponts, indispensables à la circulation, emportés ou mis hors de service. Heureusement, peu de personnes ont péri ; on a pourtant trouvé ces jours derniers, sur le territoire de la commune de Verneuil, un cadavre charrié par les grandes eaux de la Vienne.
La rivière de Vienne est également en crue. On pense que le maximum a été de 2 m. 50 à Châtellerault et qu’il a eu lieu, le 6, vers six heures du matin
(Le Courrier de la Vienne et des Deux-Sèvres n° 270 du mardi 15 novembre 1859)