Une élection bien ficelée
Michel Louis Etienne REGNAUD s’installe dans la ville de Saint Jean d’Angély en 1789 lorsque la ville le désigne pour rédiger les cahiers de doléances du tiers-état. Il en devient député, et ajoute alors tout naturellement le nom de la ville à son patronyme !
Mais comment est-il devenu député ? D’aucuns émettent des doutes sur la régularité de cette élection. Le sieur de la Combe s’en émeut ; voici son récit dans lequel Michel Regnaud est dénommé « le lieutenant-général » :
« L’article 47 du règlement de sa majesté autorise les scrutateurs à déclarer le choix de l’assemblée après avoir vérifié à voix basse les scrutins ; ce même article ordonne de brûler les scrutins et les notes des scrutateurs : ainsi la loi a placé dans les scrutateurs une confiance sans réserve ; mais le législateur , en voulant que cette confiance fût sans bornes, a voulu aussi que l’intrigue la plus consommée ne put pas se procurer des scrutateurs a son choix ; en conséquence, le règlement ordonne que les scrutins pour l’élection des scrutateurs seront vérifiés par les trois plus anciens d’âge. Il était impossible au législateur de porter plus loin la prévoyance. La maturité suppose la vertu ; partout cette loi a été respectée. A Saint-Jean-d’Angély, dans cette sénéchaussée seule, les trois plus anciens d’âge n’ont point été appelés à la vérification des billets de ce premier scrutin ; le lieutenant-général a confié cet emploi à tous ceux de l’assemblée dont il se croyait le plus sûr ; et dès qu’il était question d’un coup de main , l’on conçoit qu’il n’a pas dû oublier le sieur NORMANT : c’est donc le sieur NORMANT, qui n’a pas encore atteint la quarantième année ; le sieur LE MAÎTRE, ci-devant avocat du roi, et le sieur MERVILLE, beau-frère du lieutenant-général, qui ont occupé la place que la loi n’accordait qu’aux TROIS PLUS ANCIENS D’AGE. Le règlement de sa majesté les excluait tous ; aucun d’eux n’avait la condition qu’il exige. Des voix s’élevèrent contre ce délit. M REGNAUD harangua les réclamants. Le lieutenant-général, au lieu de rentrer dans l’exacte observance de la loi, représenta qu’il y aurait de la malhonnêteté à déplacer ceux qu’il avait jugés dignes de la confiance. Les malheurs qu’ont éprouvé tous ceux qui n’ont pas cru devoir se soumettre aveuglement au despotisme tyrannique des officiers du siège, empêchèrent de plus longues réclamations ; et le lieutenant-général ordonna que les scrutins furent livrés à ses trois affidés. Il les avait placés à main armée dans ce premier poste, parce qu’il les croyait capables de s’emparer du second ; en effet, d’après l’examen et le calcul de MM. NORMANT, LEMAÎTRE et MERVILLE, MM. NORMANT, LEMAÎTRE & MERVILLE furent élus les trois scrutateurs. Quelle précision ! Si la marche précise d’une machination n’en prouvait pas l’existence, quels seraient les indices qui pourraient la faire connaître ? ….»
Et voilà… c’est simple, on remplace les trois plus anciens par deux amis et un beau-frère et l’affaire est réglée!