L’histoire.

Vouneuil-sur-Vienne est riche en histoire et en célébrités : de Charles Martel à Camille Guérin, légende et rayonnement ! Mais l’exceptionnel se cache parfois modestement dans les registres. Ce village abrite ainsi une des plus rares archives insolites de la Vienne.
Le 6 aout 1612, Bertholomé GILLE sent venir trop tôt les douleurs. A peine le temps pour Mathurin CROIZET d’aller chercher la matrone. Stupéfaction, horreur, chagrin, culpabilité, quels sont les sentiments qui traversent l’esprit des jeunes parents à la vue de leurs deux nouveau-nés ? On court chercher André AUGOUARD le curé, vite, avant qu’il ne soit trop tard ! A son arrivée, il interroge la matrone. L’homme d’Eglise observe en homme de science. On lui présente deux petits , une fille et un « enfant ». Augouard reste vague, on imagine qu’il peine à établir le sexe de celui-là, mais en le qualifiant d’enfant, il écarte l’animalité qui, autour de ces naissances particulières, rode dans les esprits des paroissiens, accusant parfois la mère de pacte diabolique ou de conduite immorale. Humains, résolument humains et dignes de sépulture, sont ces deux êtres qui « se tiennent joints  depuis la poitrine jusqu’au-dessous du petit ventre »! La matrone raconte, un accouchement rapide de moins de deux heures, des enfants venus au monde « embrassés, leur visage l’un contre l’autre ». Le curé les baptise. Il est temps car la petite meurt aussitôt, tandis que l’autre enfant survit un jour entier. Le curé s’étonne : «  il semble respirer jusque dans le corps de la fille qui est morte » ! Augouard conclut à «  la liaison de leur ventre et de leurs entrailles ». Les deux enfants ont tous leurs membres « fors » mais la fille n’a pas de « fondement ». La grossesse n’est pas allée au-delà de six mois car les deux petits « ne sont pas plus gros qu’un  loir ». Encore une fois, comme pour l’enfant de Leugny, l’animalité s’insinue dans la description, traduit le désarroi face à ces naissances différentes que l’on « monstre » et dont on tente de tirer des leçons. Néanmoins, le curé dans son baptême n’utilise pas la formule du doute « Si tu es homme, je te baptise ». En affirmant leur humanité, il conjure les croyances apocalyptiques qui étaient si souvent associées à ces naissances particulières.
Tous, matrone, prêtre, témoins, s’étonnent avec soulagement de la « bonne santé » de la mère. Ils ont raison, elle ne va pas trop mal notre pauvre Bertholomé, elle se relèvera de ces couches terribles et la vie reprendra ses droits doucement, sans doute moins vite qu’espéré. Cinq ans plus tard naitra la petite Renée, le 15 avril 1617, puis viendra Adrienne. Mère courage, Bertholomé gardera au cœur ce jour terrible d’aout 1612. Les mots du curé, nous certifiant que « tout ce qui est écrit cy-dessus contient vérité » témoignent pour la postérité autant de l’étonnement que d’une farouche volonté de comprendre.


Source : AD86 Registres Paroissiaux.

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Illustration source : BIU Santé.

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Pour aller plus loin, archives et bibliographie.

L’archive.
Transcription collaborative :
6 août 1612 à Vouneuil-sur-Vienne (86210), FRANCE
ADV Vouneuil sur Vienne B 1591-1616 page 104. 
1-De lannée mil six cent douze six août moy messire 
2- André AUGOUARD prêtre(pbtr) vicquaire de leglise 
3- de ceans ay baptisé deux petits enfants scavoir 
4-un enfant et une fille lesquels se tenoient et estoient 
5- joint depuis la poinctrine jusque au dessoubs du petit 
6- ventre et demanday à la matronne comme il estoient 
7- venu au monde elle me dict quils estoient venu au monde 
8- embrasser et avoient leurs visasges lun contre lautre 
9- et incontinant après que je les ai baptisés la fille 
10- mourrut et l’enfant qui surviva dun jour entier et 
11- respiroit jusque dans le corps de la fille qui estoit morte 
12- qui estoit un signe évident qu’il y avoit une liaison 
13- de leur ventre et de leur entrailles et estoient enfants 
14- de Mathurin CROIZET leur père et de Bertholomée 
15- GILLE et étaient les parrains Antoine BRUNEAU et 
16- Françoise MERCIERE ces enfants cy dessus dicts avoient 
17- entierement tout leur membre fors et exepte que 
18- la fille navoit pas de fondement et ay baptisé 
19- deux (ou des) enfant qui estoient touts deux mort* qui nestoient pas 
20- plus grou quun loir* et chacun de ceux cy et de ceux 
21- qui les apporterent baptiser de dire que 
22- la mère navoit pas été malade deux heures 
23- et se porter bien après quelle les eu mis au monde 
24- moy dit AUGOUARD certifie tout que ce qui est escrit 
25- cy dessus contient vérité en témoingt de quoy jay 
26- escrit et signe la pre(sen)te. AUGOUARD. 

* Encore des doutes sur ces parties du texte. 

D’autres archives insolites de siamois.

Le 20 juin 1684 à Saint-Hippolyte (Charente maritime) :
http://lagodardiere.net/genealogie/Archives_insolites_86/fic30.html#11930
Le 17 décembre 1772 à Sigottier (Hautes Alpes) :
http://lagodardiere.net/genealogie/Archives_insolites_86/fic31.html#13808
Le 31 décembre 1772 à la Buffière (Vendée) :
http://lagodardiere.net/genealogie/Archives_insolites_86/fic53.html#12926
Le 11 novembre 1740 à Gorron (Mayenne) :
http://lagodardiere.net/genealogie/Archives_insolites_86/fic63.html#13807